Après le porc, balance ton écrivain

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À l’occasion du prochain lancement du « grand loto du patrimoine », initié par Stéphane Bern, "des associations antiracistes ont demandé à Emmanuel Macron de retirer du loto la maison de Pierre Loti (1850-1923), auteur qui s’est illustré selon eux “par une haine d’une violence inouïe à l’égard des Arméniens et des juifs”" (Le Figaro). Sa demeure de Rochefort (Charente-Maritime), dans un état de délabrement avancé, avait en effet été retenue en priorité, avec dix-huit autres sites, "par l’opération de sauvetage de monuments en péril, dont le lancement est prévu début septembre" (op. cit.).

Que Céline soit, quelque cinquante-sept ans après sa mort, en résidence littéraire surveillée n’était donc pas suffisant, pas plus que Charles Maurras, tous deux récemment précipités dans les limbes de l’opprobre antiraciste. Il faut maintenant damner tous les artistes rétrospectivement – et anachroniquement ! – ennemis du vivre ensemble. Un peu comme on fit jadis, dans l’Égypte antique, avec Akhenaton, pharaon condamné à l’oubli posthume pour hérésie – il avait imposé le culte hégémonique du dieu Aton.

Voilà donc ce qu’il en coûte à Pierre Loti d’avoir écrit, à propos des Arméniens, "je n’ai rencontré chez eux que lâcheté morale, lâchage, vilains procédés et fourberie" (in La Mort de notre chère France en Orient) et, à propos des juifs, qu’ils avaient "le cœur étrangement glacé par toutes leurs abjectes figures" (in Jérusalem). Ces associations, biberonnées aux subventions, proposent même de "débaptiser les établissements scolaires au nom de cet auteur de discours de haine".

Nonobstant ces attaques ridicules, Pierre Loti n’est pas passé à la postérité avec ces sortes de déclarations, mais plutôt avec des romans comme Pêcheur d’Islande, lequel parle plus volontiers d’amour malheureux que d’Arméniens et de juifs.

Pour exprimer l’inanité de telles démarches, je ne ferai pas la liste, forcément non exhaustive, des auteurs français qui auraient « dérapé », mais qu’il me soit permis de citer une phrase de Jules Verne, terriblement non consensuelle et bonne pour le pilori, à ce qu’il paraît : "Un vrai Nègre de la Caroline du Sud, avec une tête bêtasse sur un corps de gringalet. Tout juste âgé de vingt-et-un ans, c’est dire qu’il n’avait jamais été esclave, pas même de naissance, mais il n’en valait guère mieux" (in Robur le Conquérant).

Ce harcèlement permanent infligé à la littérature – qui sonne souvent le glas des libertés fondamentales d’une nation – participe de cette campagne durable de dénigrement de l’identité française et semble définitivement ignorer le fameux proverbe « autres temps, autres mœurs ».

Enfin, si Alexandre Dumas admettait "Si j'ai violé l'Histoire, je lui ai fait de beaux enfants" – phrase désormais périlleuse qui risque d’être balancée comme un porc ! –, ce que proposent ces antiracistes, c’est son avortement pur et simple.

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