Condamné à réduire très fortement son activité en France, Amazon a choisi de fermer purement et simplement tous ses entrepôts français pour cinq jours, tout en maintenant le salaire de ses employés. Certains se réjouissent du coup d’arrêt porté à ce qu’ils voient comme la concurrence déloyale d’une multinationale, le confinement ayant imposé la fermeture des commerces non essentiels. Disons-le tout net : ils se trompent de cible.

La publication de l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Nanterre du 14 avril 2020 permet de se pencher un peu plus près sur les motifs des poursuites engagées contre Amazon et de la condamnation du géant du commerce en ligne. Il est étonnant d’y trouver, parallèlement à la question de la sécurité des employés des entrepôts soulevée par le syndicat Solidaires, l’immixtion de l’association Les Amis de la Terre. Ainsi que l’a fait remarquer l’avocat d’Amazon, Me Fourcade, l’engagement associatif des Amis de la Terre n’a pas grand-chose à voir avec les litiges entre employés et employeurs concernant des questions de sécurité. D’après le site Internet du mouvement, Les Amis de la Terre constituent « le plus grand réseau écologiste mondial ». Leur manifeste dépasse la simple écologie et revendique un positionnement idéologique anticapitaliste, condamne la société de consommation et fait l’apologie de la décroissance. Parmi les campagnes engagées par le mouvement... une campagne contre Amazon exigeant, notamment, un moratoire sur la construction de nouveaux entrepôts. Le tribunal a évacué cette dimension purement politique du procès en déboutant Les Amis de la Terre de leur demande de versement de 3.000 € par Amazon au titre des frais de procédure.

Qu’en est-il des problèmes de sécurité dans les entrepôts d’Amazon ? Ils semblent beaucoup varier d’un entrepôt à l’autre. Sur les six entrepôts existant en France, celui de Boves n’a pas subi de plaintes, ce qui est confirmé par le témoignage reconnaissant d’une employée publié par Mediapart. Les autres ont fait l’objet de mises en demeure de la part des directeurs régionaux des entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi. L’entrepôt de Sevrey a ensuite fait le nécessaire pour appliquer les recommandations du ministère de la Santé.

Pour en revenir à l’aspect idéologique du problème, pourquoi est-ce se tromper de cible que de s’attaquer à Amazon ? Amazon ne vend pas que des produits en propre. Sa plate-forme MarketPlace met en relation des milliers de commerçants et de clients. C’est grâce aux services fournis par Amazon que ces entreprises et les entreprises clientes continuent de tourner. Qu’est-ce qui empêche les autres de s’ouvrir temporairement une vitrine sur Amazon MarketPlace, en attendant la fin des restrictions ? On ne voit pas la même critique poursuivre la FNAC ou Zalando, qui continuent leurs livraisons. Faut-il que toute activité s’arrête afin que tous soient égaux ? Il n’y a rien à y gagner, pour personne.

Il est aujourd’hui impossible, sans la vente à distance, de se procurer le matériel nécessaire pour fabriquer des masques, des blouses et beaucoup de produits de la vie courante, surtout lorsque l'on vit à la campagne, car rien de tout cela ne fait partie des produits dits de première nécessité ni ne justifie, aux yeux de la maréchaussée, un déplacement de 30 km.

Finalement, qui sera lésé ? Les entreprises françaises qui utilisent le service « Expédié par Amazon » pour écouler leur marchandise, maintenant immobilisée dans les entrepôts. Des produits équivalents seront toujours vendus, mais expédiés des entrepôts Amazon à l’étranger. La demande de la clientèle ne baissera pas pour autant, elle se reportera simplement sur les expéditeurs directs via Amazon MarketPlace, les plates-formes Amazon étrangères pour le service Amazon Prime et les sites concurrents comme le Chinois Alibaba.

Au-delà de la question réelle de la sécurité des employés, si l’on s’acharne sur Amazon au point de lui faire quitter la France, cela ne lésera que les commerçants français qui perdront leurs clients et les employés français de la firme qui perdront leur travail. Amazon se portera toujours très bien chez nos voisins, il suffira d’importer.

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19 avril 2020 à 22:00

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