Afrique du Sud : racisme organisé sur fond d’épidémie

Cyril Ramaphosa
Cyril Ramaphosa

Cela fait maintenant trois mois que l’Afrique du Sud est confinée. Sur le plan strictement sanitaire, ce confinement, que beaucoup jugent trop dur (impossibilité d’acheter des cigarettes et de l’alcool, par exemple), a, semble-t-il, porté ses fruits puisque, à ce jour, 430 morts seulement ont été enregistrés sur l’ensemble de cet immense pays, pour 22.583 cas positifs.

Comme un peu partout ailleurs sur l’ensemble du continent africain, le confinement à porté un coup très dur aux économies au fonctionnement social.

Cependant, l’Afrique du Sud se distingue dans cette affaire par le racisme organisé sur fond d’épidémie par le gouvernement lui-même à travers les membres de l’aile gauche de l’ANC (African National Congress) de plus en plus active au gouvernement. Un peu partout dans le pays se sont montés des mouvements destinés à venir en aide aux victimes économiques de l’épidémie. Essentiellement gérés par des Blancs, ces organisations sont rapidement montées en efficacité et ont mis sur pied des réseaux apportant leur aide aux communautés noire, blanche et métisse, sans distinction aucune de couleur. Devant le succès de leur campagne d’aide, plusieurs d’entre elles se sont brutalement vues refuser ce droit de distribution des colis de nourriture. Cette prérogative est maintenant strictement gouvernementale et l’aide accordée est distribuée uniquement aux Noirs nécessiteux.

Dans le domaine de l’agriculture, les fermiers blancs, qui assurent au pays la majorité de sa production agricole et dont beaucoup sont actuellement sinistrés, se voient refuser l’aide promise par le gouvernement. La même chose dans le secteur du tourisme. Le syndicat Solidarity, créé en 1994 pour défendre la culture et l'identité afrikaner, a déposé une plainte à la Haute Cour de Gauteng pour discrimination raciale contre le département du Tourisme à cause de l’aide que ce département apporte aux entreprises touristiques. Il est aussi intéressant de noter que les métis (coloured) sont discriminés de la même façon que les Blancs.

De petites déclarations en déclarations plus officielles, le gouvernement de Cyril Ramaphosa cache de moins en moins son intention de profiter de l’épidémie pour redistribuer les cartes dans ce pays.

La politique du Black Economic Empowerment mise en place par le gouvernement pour promouvoir les membres de la communauté noire dans le monde des affaires s’est révélée catastrophique en termes d’efficacité des nouveaux venus aux leviers de commande. Le gouvernement a maintenant procédé à une opération de maquillage en créant, avec le soutien de son aile gauche, la Black Management Foundation. Son vice-président, Dumisami Mpafa, a déclaré, il y a quelques jours, que le coronavirus constituait pour la communauté noire un « cadeau du ciel » qui lui permettrait de venir à bout de « cette solide architecture économique qu’elle n’a pas pu abattre jusqu’ici ». Une chance pour les Noirs, a-t-il ajouté, « de rebâtir une économie nouvelle ». Et pour ne pas être en reste vis-à-vis de son aile gauche, le président Ramaphosa déclarait, récemment, dans le KwaZulu-Natal, que « l’épidémie nous donne une chance de redistribuer des biens à une élite noire »... Entendez par là, ces « black bling bling » couverts de bijoux qui roulent maintenant en limousine noire après une ascension sociale qui tient plus à leurs liens avec le régime qu'à une réussite due à leur efficacité industrielle ou commerciale.

Ainsi va l’Afrique du Sud arc-en-ciel...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 04/06/2020 à 15:46.
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Jean-Pierre Lenoir
Journaliste et écrivain mauricien

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