Adieu, Rémy Julienne, grand Français et merveilleux fou roulant
Rémy Julienne n’est plus, nous ayant quittés à l’âge canonique de 90 ans. Dans les entretiens d’acteurs et d’actrices, une phrase revient souvent : « Pour ce rôle, j’ai tenu à me mettre en danger… » Rémy Julienne, maître cascadeur du cinéma français, répondait déjà à l’auteur de ces lignes, dans les années 1990 du siècle dernier, pour le compte d’un autre défunt, l’hebdomadaire Minute : « Les seuls acteurs qui se mettent en danger ne sont pas ceux qui sont payés pour réciter un texte qu’ils n’ont même pas écrit, mais des Jean-Paul Belmondo, debout sur une rame de métro dans Peur sur la ville (Henri Verneuil, 1975) ou accroché en caleçon à fleurs sous un hélicoptère dans Le Guignolo (Georges Lautner, 1980) ! »
Rémy Julienne aura donc apporté son talent de casse-cou à plus de 1.400 films. À l’origine, c’est un fou de moto : il devient même champion de France en 1957, dans la catégorie 500 cc. Et ce trompe-la-mort de faire son apprentissage auprès de Gil Delamare, précurseur du savoir-faire à la française en matière de cascades automobiles. Son baptême du feu a lieu avec le Fantomas d’André Hunebelle, en 1964. Là, le maître Delamare foire trois cascades d’affilée. Les producteurs s’énervent et s’inquiètent pour le retour sur investissement à venir. Et Rémy Julienne, toujours à l’auteur de ces lignes, de confier : « Louis de Funès est entré dans une rage folle. Il a traîné les producteurs dans la boue, leur expliquant que si eux ne risquaient que leur pognon, Delamare, lui, y allait de sa peau. Sur les tournages, Louis de Funès était l’exact contraire des personnages qu’il incarnait à l’écran, où il était impitoyable avec les faibles et rampant devant les puissants. Dans la vraie vie, il était adorable avec le petit personnel, mais impitoyable avec les acteurs arrivant en retard sur le plateau sans connaître leur texte, et plus méchant, encore, avec les financiers arrogants. »
Pour tout arranger, Rémy Julienne était français de tripe et de cœur. Pour L’Or se barre (Peter Collinson, 1969), il fallait à tout prix une poursuite de voitures passant de toit en toit. Rémy Julienne : « Nos homologues anglais assuraient qu’une telle scène était impossible à tourner. Avec notre équipe française, nous nous sommes fait un devoir de leur démontrer le contraire. On a commencé les répétitions sur le plancher des vaches, avant de la faire en vrai en haut des buildings londoniens. » En effet, expliquait-il, « le secret d’une bonne cascade, c’est 95 % de répétition et 5 % d’exécution… On a réussi et toute l’équipe anglaise du film s’est retrouvée sur le cul. Ils avaient prétendu qu’une telle cascade était impossible. On leur a juste rappelé que le mot “impossible” n’était pas français, tout en leur laissant le soin de régler la note de champagne ! »
Pour la petite histoire, Rémy Julienne était aussi un patriote invétéré. Maintenant que tout cela est couvert par la prescription, voici ce qu’il m’avoua à l’époque : « Mon maître Gil Delamare était très proche des milieux patriotes. Un simple exemple ? Dans La Grande Vadrouille (Gérard Oury, 1966), il y a une scène où une dizaine de bonnes sœurs se cassent la gueule d’une charrette. Parmi tous ces cascadeurs d’occasion, il y avait plus de la moitié de militants d’OAS. Bref, pas loin d’un siècle de prison avec contumace dans cette même charrette… »
Mieux : « Après, j’en ai vu défiler d’autres, embauchés par Gil Delamare, des soldats perdus qui se tenaient discrets sur les tournages. Je savais très bien qui ils étaient. Mais je n’allais tout de même pas balancer un Français condamné pour avoir trop aimé la France. »
C’était aussi cela, Rémy Julienne.
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