L’abbé Gaëtan de Bodard, du diocèse du Mans, fait partie de ces prêtres très actifs et très suivis sur les réseaux sociaux. L’un de ses récents tweets - « liké » près de 800 fois - s’apparente à une sainte colère :

« Deux sépultures aujourd’hui. 13 et 15 personnes autour du cercueil… deux familles éplorées, notamment parce que les leurs n’ont pas pu les rejoindre. Et pendant que nos églises sont vides, les supermarchés sont pleins… À la sortie, il y aura des comptes à rendre… »

Il s’en explique au micro de Boulevard Voltaire.

Seules 20 personnes sont aujourd’hui autorisées pour les sépultures… d’une certaine façon, nous devons nous estimer heureux car, en Italie, le gouvernement les a carrément interdits ! Mais pour les familles qui viennent de perdre l’un des leurs - quel que soit, d’ailleurs, leur degré de pratique religieuse -, se voir refuser un enterrement, je ne dirais pas « digne de ce nom », car nous essayons malgré tout de faire des cérémonies dignes, mais tel qu’ils puissent dire au revoir, sonne comme une double peine… Ce que je trouve très injuste, dans tout cela, c’est le « deux poids deux mesures ». Je vais de temps en temps faire mes courses dans le Super U près de chez moi, et je peux vous dire qu’il y a bien plus de 20 personnes à la fois et que les distances ne sont pas respectées. Et quand on suit un peu les actualités ou les témoignages ou les réseaux sociaux, on voit bien que c’est le cas un peu partout !

Il semblerait que les pompes funèbres dissuadent même certaines familles de passer par l’église, entreprennent de les convaincre que, pour leur sécurité, il vaut mieux aller directement au cimetière… il est vrai que, pour leurs employés, c’est tout de suite plus rapide !

Qu’en est-il exactement, d’ailleurs, des cimetières ?

Difficile de s'y recueillir : leur entrée est parfois interdite, au même titre que toutes les « promenades ». Nous avons tous eu vent de ces gens qui ont écopé d’une amende… Le problème est que les familles sont un peu tributaires de l’application stricte, ou non, de tel ou tel membre des forces de l’ordre. Lors d’une des récentes sépultures que j’ai célébrée, la famille avait préventivement demandé à la gendarmerie de ne pas les verbaliser ! C’est le maire, finalement, qui a personnellement accompagné la famille au cimetière pour vérifier que tout se passait bien, cela a été très apprécié.

On a le sentiment que cette question « des cultes » est fort peu abordée, pas un mot dans les diverses conférences de presse : comme si c’était, sommes toute, assez accessoire…

En effet. Quand on aura de mauvaises surprises à l’issue de cette crise et que l'on devra diligenter des psychologues pour tous ceux qui n’auront pas fait leur deuil en temps et heure, on se rendra compte, peut-être, que ce n’était pas accessoire…

Je n’ai pas accès, pour le moment, aux deux EHPAD qui sont dans mon périmètre, impossible de donner les derniers sacrements aux résidents qui en auraient besoin.

Quant au retour de la messe dominicale pour les fidèles, il est assez scandaleux de n’avoir aucune nouvelle. Rappelons, quand même, que cette suspension du culte public est sans précédent. Il me semble que nous autres prêtres pourrions dire plusieurs messes dans la journée pour répartir le nombre de paroissiens dans l’église.

Propos recueillis par Gabrielle Cluzel

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21 avril 2020 à 10:04

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