Que reste-t-il à une actrice hollywoodienne qui frise la soixantaine, a du crin sur la tête à force de dissimuler ses cheveux blancs sous des mèches filasses, s’est déjà fait remonter les pommettes, repulper les lèvres par en haut et par en bas, raccrocher les seins sous les clavicules, dégraisser la culotte de cheval et retendre les dessous de bras ? Il lui reste à se plaindre de sa condition.

Le révisionnisme bat son plein dans les milieux du spectacle. Ce n’est certes pas une nouveauté et il est amusant de regarder les formes qu’il emprunte au fil des années.
Pour faire simple, disons qu’autrefois, on s’inventait une histoire mirifique et que, depuis quelques décennies, c’est Cosette qui tient la vedette. Mais la victimisation, elle aussi, a ses limites. Alors, que faire lorsque nos sociétés ne sont plus que des conglomérats de victimes, quand chacun prétend s’agréger à un groupe pour mieux revendiquer sa souffrance ? Les trop gros, les trop petits, les trop noirs, les pas assez blancs, les estropiés, les indécis de la sexualité, les militants du genre improbable, ceux du droit à l’enfant, les mères célibataires, celles qui voudraient le devenir, les gays qui cherchent un utérus pour y mettre au chaud leurs gamètes… La liste est infinie.

Que faire, donc, pour se distinguer dans cet Enfer de Dante ? Mettre la chose au carré, voire au cube. Déplorer de n’être pas aussi victime que les plus victimes, celles et ceux, comme dit M. Macron, qui, pour l’instant, sont en tête du classement.

C’est à cet exercice périlleux que s’est livrée l’actrice Rosanna Arquette. Une gloire des années 80 du siècle dernier, jolie blonde au nez retroussé, sœur de Patricia Arquette et sœur d’Alexis Arquette « née Robert Arquette », actrice transgenre morte du SIDA. Cela pour dire que la famille a largement profité d’Hollywood tout comme Hollywood, sans doute, a profité d’elle.

Hélas pour les sœurs Arquette, les gloires se fanent et les artifices évoqués en tête de ce papier ne suffisent pas toujours à relancer une carrière en berne. Alors, une fois encore, que faire ? Se plaindre. Toujours. Rosanna Arquette a donc chevauché, l’an passé, la vague MeToo. Ressorti une vieille histoire du « porc » Weinstein qui l’aurait, « dans les années 90 » (c’est vaste !), fait monter dans sa chambre d’hôtel pour se faire prodiguer des massages. Elle aurait refusé, se serait enfuie… et plouf ! fin de la brillante carrière qui lui était promise. Qu’elle dit.

Elles sont nombreuses, les dames d’Hollywood, à attribuer leur étoile pâlie au trou noir Weinstein. Trop nombreuses pour sortir du lot. Alors, si ça ne marche pas avec le « sexual harassment », il reste le militantisme anti-Trump. C’est facile, pas cher et ça permet de ne pas se sentir seul.

Rosanna Arquette est un soutien affiché du Parti démocrate qui, on peut le croire, s’en passerait bien. « Je me vois mal avec des républicains qui, pour la plupart, sont racistes, se fichent de l’égalité hommes-femmes comme de la planète et qui, en plus, sont, au moins pour certains, favorables au port d'arme », dit-elle. Waouhhh ! C’est là où l’on voit que Rosanna, génétiquement peace and love, élevée dans une communauté hippie et mariée quatre fois, est une vraie rebelle de la rebellitude !

Hélas, une fois de plus, ces gages ne suffisent pas, si bien que Rosanna a eu une idée qu’elle croyait très bonne. Elle a tweeté, mercredi dernier, cette phrase définitive :

« Je suis désolée d’être blanche et privilégiée. Cela me dégoûte. Et j’ai tellement honte. »

Voilà voilà. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Des torrents d’insultes. Comme quoi la générosité est mal récompensée…

Il y a même un méchant internaute qui lui balance : « Pas assez honte pour virer le conducteur de ta limousine… »

Ben quoi, si on ne peut plus avoir du petit personnel de couleur pour conduire son auto, alors, où va le monde, je vous le demande ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:51.

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09 août 2019 à 15:01

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