Cimetière : tout le monde descend !

cimetière
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 01/11/2022.

En ce 1er novembre 2023, nous vous proposons de relire ce texte de notre collaborateur Georges Michel, paru le 1er novembre 2022. 

À la Toussaint, fête de tous les saints, « la moitié des Français se rendent toujours au cimetière », nous apprend Le Figaro. Il faudrait analyser plus finement par classes d’âges pour se demander si ce pourcentage relativement élevé se maintiendra dans les prochaines années. Aujourd’hui, on joue aux morts-vivants en fêtant Halloween plutôt que la Toussaint, mais on ne veut, on ne peut pas voir la mort en face. Pourtant, nous terminerons tous dans la farce commune. Qu’on le veuille ou non. Certains meurent en monument, d’autres dans un cul-de-bas-de-fosse, chantait Brel. On le sait mais on ne veut pas le croire. On biaise, on louvoie, on tourne autour du pot de chrysanthèmes.

Si, au moins, on pouvait assister à ses funérailles ! On fait bien des répétitions de mariage avec essai des plats, des vins et de la sono. Pour la reine d’Angleterre, tout n’avait-il pas été réglé d’avance (sauf, peut-être, la facture) ? Magnifique. Une tradition qui ne date pas d’hier, chez les grands de ce monde avant d’aller rejoindre l’autre. Alexandre Dumas, dans La Royale Maison de Savoie, évoque cette répétition en présence du personnage principal : « Enfin, vers le commencement du mois de juillet de cette même année 1558, lassé d’assister aux funérailles des autres, et blasé sur cette funèbre distraction, Charles Quint résolut d’assister aux siennes. » Certes, tout le monde n'est pas Charles Quint ou la reine d'Angleterre, mais c'est une piste à creuser, six pieds sous terre, pour les entreprises de pompes funèbres.

Avec le temps (tout s’en va, on sait !), par la force des choses, les générations se bousculent au portillon, le carnet d’adresses se métamorphose en chronique nécrologique et la visite au cimetière se fait plus fréquente. Et c’est là qu’on constate avec un certain désarroi que nos « espaces funéraires » deviennent vraiment tristes à mourir. La faute à qui, Monsieur ? À la standardisation, mal implacable qui frappe inexorablement notre société moderne, n’épargnant même pas nos dernières demeures. Allez faire un tour, juste pour voir, comme qui dirait en reconnaissance, dans l’un de ces nouveaux cimetières en périphérie des anciens menacés par la crise du logement. Cela va vous décupler l’envie de faire « la tombe buissonnière », comme chantait Brassens dans son testament enregistré, non pas devant tabellion mais sur microsillon. Franchement, ces nouvelles zones pavillonnaires pour allongés n’ont rien du « champ léthargique » où le père Hugo se prenait à rôder et rêver. Ainsi va le monde, me direz-vous. La tendance funéraire, ces dernières années, c’est la stèle en forme de vague, surplombant la pierre tombale, comme pour casser la symétrie du monument. Tout le monde voulant faire comme le voisin, nos cimetières modernes se transforment en mers de marbre. Pas certain que cela donne envie d'y faire naufrage.

Mais que faire ? On restaure bien de vieilles bicoques avec poutres apparentes. Désormais, on peut faire pareil avec sa dernière demeure. « Tombeau de caractère, dans son jus, vue imprenable, au calme, beaux volumes, prix à débattre… » Évidemment, le viager n'est pas forcément une bonne affaire. On assiste ainsi à des ventes aux enchères de monuments funéraires. Si c'est pour œuvrer à la conservation du charme des cimetières d'antan et lutter contre la standardisation, on ne peut qu'être pour. En attendant de rejoindre le dortoir définitif et puisque nous ne sommes pas pressés, faisons d’abord un petit crochet par celui, si mélancolique, des éléphants de Monsieur Eddy. Puis, comme il nous reste un peu de temps, pourquoi pas un détour par la plage de Sète où Brassens voulait passer sa mort en vacances.

Certains, durant toute leur vie, ne font jamais de concessions. Parfois à s’en rendre malheureux comme des pierres... tombales. Pourtant, à bien y regarder, la vie est faite de concessions. Comme les cimetières. Certes, celui qui n’en aurait jamais fait pourrait, orgueilleusement, faire graver cette épitaphe sur son tombeau : « Il n’en fit qu’une seule dans sa vie : ici même, et elle est perpétuelle. » Ce qui devient difficile, les concessions perpétuelles se font rares dans un monde régi par l’éphémère. Terminus des prétentieux, tout le monde descend, nous disent, depuis la maison mère, Michel Audiard et Bernard Blier.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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