Pâques fleuries

Bientôt Pâques fleuries, le jour où le  Seigneur entre à Jérusalem, monté sur un ânon, tandis que la foule étend des feuillages sous ses pieds. J’ai, sous les yeux, la fresque de Giotto. Et, en mémoire, les processions des trente dernières années, quand le cardinal Lustiger rassemblait, sur « le parvis  des gentils », ceux qui croyaient au ciel, bouquet de buis en main, et ceux qui n’y croyaient pas, cherchant, peut-être, le dieu inconnu. La statue vert-de-grisé de Charlemagne était là et la Seine, fidèle, sous le pont.

C’était en 2001. Sous le ciel gris, les palmes vertes se voyaient de loin. Deux mitres blanches s’avançaient, l’une tenant à pleine main sa crosse de bois, en forme d’étendard. L’autre, sans crosse, était son invité : le cardinal Ratzinger. Le futur Benoît XVI avait clos, la veille, le cycle des conférences de Carême.

Et voici que le pape émérite sort de son silence dans une admonestation de douze pages dont Le Figaro de ce jour donne des extraits. La rigueur et la foi sont les mêmes qu’il y a vingt ans, quand, analysant la succession des âges— ecclésiastique, christocentrique, théocentrique - Joseph Ratzinger voyait venir, sous prétexte que le Christ est source de contradiction, l’âge de « la royauté du monde » où paix et justice, préservation de la création exilent Dieu de notre sphère. En  2019, en effet, « l’idée d’une Église meilleure créée par nous-mêmes » fait des ravages. C’est l’âge du Moloch de l’utopie sans Dieu où l’homme,  ignorant de la lumière venue du Sinaï, ne croit plus à l’objectivité du bien et du mal. Le diable fait croire aux demi-vérités, semant le doute sur la bonté du Créateur.

Benoît XVI n’y va pas de main morte. « L’actualité de ce que dit l’Apocalypse est flagrante » dit-il. Dénonçant « la désagrégation, au sein même de l’Eglise, de la théologie morale », il rappelle l’effondrement, de 1960 à 1980, de toutes les notions du vrai et du bien dans le domaine de la sexualité, de toutes les normes, la permissivité de la pédophilie, les clubs homosexuels dans les séminaires, la négation de l’enseignement de l’Église dans la bouche même des théologiens, le relativisme religieux. Il rappelle deux enquêtes « canoniques » dépêchées par le Saint-Siège concernant des abus sexuels aux États-Unis qui n’aboutirent pas. Il rappelle que Jean-Paul II écrivit Splendor Veritatis pour insister sur « l’objectivité du bien et du mal. » Il dénonce le silence auquel on contraint l’Eglise dans le domaine moral en lui déniant toute autorité. Il déplore la désacralisation de l’Eucharistie donnée sans exigence aucune qui détruit « la grandeur du mystère de la présence réelle. »

« Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles, qu’il entre ce roi de gloire » dira bientôt l’archevêque de Paris, frappant de sa crosse la lourde porte de la cathédrale. Les voix des deux cardinaux, Lustiger et Ratzinger, je les entends toujours à travers les années. Ces deux-là, que voulez-vous, faisaient croire à notre filiation divine : sans orgueil, en toute liberté.

Marie-Hélène Verdier
Marie-Hélène Verdier
Agrégée de Lettres Classiques

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