Le 9 février 2016, un élève-officier de la prestigieuse École spéciale militaire de Saint-Cyr était retrouvé mort par ses camarades. Les premiers éléments de l’enquête concluront au suicide prémédité, le jeune sous-lieutenant ayant fait part de son mal-être à ses proches. Les enquêteurs démontreront même par la suite qu’il aurait planifié son suicide et qu’il avait dérobé des munitions lors d’une séance de tir plusieurs semaines auparavant. Les faits sont là.

Mais ces faits n’ont pas plu à la famille qui, cherchant à comprendre la mort du jeune homme, vient de déposer plainte contre l’armée, avançant que l’enquête interne menée par les militaires aurait été bâclée. On ne peut blâmer une mère en deuil pour ses larmes ou sa colère. D’autant qu’il est vrai que beaucoup d’éléments de ce dossier peuvent paraître troublants.

En revanche, on peut et on se doit de blâmer la presse pour le traitement qu’elle a fait de cette affaire. Les articles - des copier-coller de l’AFP saupoudrés de sensationnalisme - ne présentent que la version de la famille du défunt, plaçant d’emblée l’armée dans le rôle du coupable. S’il s’agit d’une « affaire sombre », c’est bien que l’armée, cette "grande muette", n’a pas « fait la lumière » sur les événements. Et si elle cache des éléments, c’est qu’elle a forcément quelque chose à se reprocher, pas vrai ?

Sauf qu’un bon journaliste aurait dû nuancer son propos. Il aurait pu rappeler, par exemple, que ce n’est pas l’armée qui traite les enquêtes criminelles et qu’elle n’a donc aucune influence sur celle-ci. Ou encore expliquer que, si la hiérarchie militaire a évité de communiquer sur ce drame, c’est avant tout parce qu’elle suit un protocole classique visant à maintenir la cohésion du bataillon ; pour éviter de miner le moral des troupes, l’armée ne s’exprime donc pas tant que l’affaire n’est pas close. Et, enfin, plusieurs gradés ayant commenté cet événement, un bon journaliste aurait dû utiliser ces avis d’experts...

Mais non, les journalistes ont décidé, par omission, de jeter dans la mare un pavé dont la boue éclabousserait nécessairement l’institution militaire. Et ça n’a pas manqué : le lectorat, à qui on a tendu un os juteux, se met à extrapoler : le jeune homme se serait suicidé car homosexuel, car métis, car oppressé par ses camarades ; ce serait encore la faute de cette armée réactionnaire - elle vote à 70 % FN, pensez donc…

S’il ne faut évidemment pas minimiser la douleur de la famille - ni surprotéger l’armée, capable de faire seule son autocritique -, il est indigne de salir et d’affaiblir toute une institution ; encore plus en période de guerre. On remarquera, d’ailleurs, que nos journaux sont moins enclins à relayer le suicide de nos soldats épuisés par un plan Vigipirate démesuré.

L’armée doit bien comprendre une chose : peu importe les efforts qu’elle fait pour se rapprocher de la nation, pour s’ouvrir, pour communiquer, être plus transparente, elle sera toujours détestée par ces dinosaures qui, jaloux ou traumatisés par leur service militaire, ne veulent pas reconnaître que l’armée réussit partout où la République échoue : valeurs, intégration, cohésion...

Que la presse française soutienne les armées françaises quand la France est en guerre ? Inimaginable. Mais nous pouvions au moins espérer qu’elle fasse son travail avec honnêteté. Raté.

Pour la presse de l’époque, Dreyfus était coupable car juif ; pour la presse d’aujourd’hui, l’armée est coupable car conservatrice et réfractaire au « Progrès ». Et si l’armée avait fini par reconnaître l’innocence de Dreyfus, peut-on en attendre autant de la presse ? La justice, elle, tranchera.

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16 juillet 2017 à 0:02

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