Quand la faucheuse est dans le pré

On serait tenté de dire : encore un. Sauf que tout le monde s’en fout. Encore un, c’est le suicide de Jean-Michel Le Troadec, agriculteur breton. Et puis, malheureusement, le suicide est devenu monnaie courante, tellement banal que plus personne n’y prête attention : environ 30 personnes en finissent volontairement avec la vie tous les jours en France. Dix mille par an, deux fois et demie de plus que les accident de la route.

Mais la famille de Jean-Michel Le Troadec a décidé d’expliquer, dans une lettre ouverte publiée le 2 octobre, pourquoi celui-ci en est arrivé à une telle extrémité : détruite par accident, la porcherie de Jean-Michel Le Troadec a inévitablement pollué le fleuve Jaudy à proximité de son exploitation. Et Jean-Michel Le Troadec s’en est pris plein la figure. Non content de perdre son outil de travail, l’agriculteur breton a été jeté en pâture médiatique et écologique. Bien sûr, sa famille explique que "si le suicide d’un être humain est probablement l’aboutissement fatal de diverses raisons", elle reproche à beaucoup et, à mots à peine couverts, à une certaine presse et à des associations "bien-pensantes", d’avoir négligé l’humain.

"[…] Au prétexte qu’il n’y avait pas “mort d’homme”, comme s’autorisent à dire certains, nous - les siens - avons assisté à la traque, au lynchage d'un homme, démuni face à une poignée d’insensibles, qui au motif de défendre l’environnement ou de relater des faits, se sont comportés comme des rapaces, salissant un homme et une profession. Il fallait sans doute un bouc-émissaire", explique la famille du paysan dans cette lettre ouverte pleine de dignité.

Voilà, là, le nœud du problème : la stigmatisation d’une agriculture que l’on voudrait plus écologique, plus respectueuse de l’environnement, qui délivre des produits plus sains, en plus grande quantité, meilleurs et surtout moins chers parce que le consommateur est roi. L’agriculture est au cœur d’un nœud gordien, au carrefour de toutes ces demandes contradictoires. C’est oublier un peu vite tous les efforts qui ont été consentis ces dernières décennies en matière de prise de conscience sur les traitements phytosanitaires, sur les modes alternatifs de culture, sur le taux de conversion en bio, etc. Jamais la France n’a connu un tel engouement pour l’agriculture biologique, au point qu’elle est victime de son succès !

Reste que le temps de l’agriculture ne sera jamais celui du consommateur, des écolos, des politiques de la filière alimentaire. Comme le disait Mitterrand : "Il faut donner du temps au temps." Mais beaucoup sont impatients et veulent tout, tout de suite. Si certains s’en accommodent, d’autres voient dans l’agriculture une manne, une mine inépuisable. Les prédateurs à poil et plume, écologiques, financiers, banquiers, industriels, etc., seront toujours là pour ne pas lâcher leur proie et se nourrir sur la bête. Quitte à pousser les paysans au suicide et à couper la main qui les nourrit…

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