Migrants : réfugiés à l’est du Rhin, envahisseurs à l’ouest ?

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Angela Merkel l’a réaffirmé dimanche dernier au cours de son entretien avec le journal Die Welt, elle reste droite dans ses bottes au sujet de la politique migratoire qu’elle a menée ces dernières années. Et sa gestion de la crise des migrants n’empêche pas son bloc politique d’être toujours largement en tête des intentions de vote aux prochaines élections législatives.

Le nombre effarant de migrants accueillis par l’Allemagne ces deux dernières années (plus d’un million en 2015) sans que ses responsables politiques soient particulièrement inquiétés par ses conséquences fait réfléchir. Par comparaison, la France, pays presque aussi peuplé, en a accueilli environ cinq fois moins. Or, le sujet y est probablement plus brûlant. Certes, la bonne santé de l’industrie allemande permet-elle aux politiques allemands de promettre, à défaut d’envisager, une intégration économique de ces migrants, et peut-être les Allemands ont-ils fini par renoncer définitivement à faire plus d’enfants et croient-ils réellement que cette immigration constitue une solution.

Plusieurs rencontres avec des familles allemandes à l’occasion des vacances estivales nous ont néanmoins permis de découvrir une autre explication possible du plus grand assentiment allemand, qui a trait à son histoire contemporaine. L’expulsion des Allemands d’Europe de l’Est par le communisme entre 1944 et le début des années 1950, qui a concerné plus de douze millions d’Allemands, constitue en effet une blessure encore très vive, bien que secrète, dans la mémoire allemande actuelle. Cette migration massive, principalement depuis la Pologne et la Tchécoslovaquie vers l’Allemagne et l’Autriche, a conduit tous ces expulsés, voire fugitifs, à abandonner tous leurs biens et à repartir de zéro. De nombreux Allemands ont donc un aïeul ayant vécu cette migration et le dénuement absolu. De ce fait, ils manifestent une plus grande empathie envers les migrants d’Afrique et du Proche-Orient actuels, dont le statut (souvent frauduleux) de réfugié de guerre fait résonner leur histoire familiale et nationale. Cette disposition psychologique s’ajoute à la mauvaise conscience européenne qui interdit de gérer rationnellement l’immigration extra-européenne et à leur sentiment de culpabilité spécifique comme nation génocidaire et pays en excellente santé économique.

En France, pays désindustrialisé, déficitaire et déjà saturé par les problèmes posés par sa population immigrée, l’origine majoritairement africaine des migrants traversant actuellement la Méditerranée reste en travers de la gorge des Français qui ne considèrent pas la colonisation européenne comme la pire des choses qui soit arrivée à l’Afrique et qui n’ont pas oublié les circonstances de la décolonisation. De nombreux Français ont, dans leur mémoire familiale, l’abandon forcé de territoires français mis en valeur par les colons, et pour les neuf cent mille pieds-noirs rapatriés, les expulsions, la fuite pour échapper aux égorgements et le dénuement à l’arrivée en métropole. Cette arrivée, en France, de populations d’un continent ayant chassé les Français leur paraît insolente et leur fait craindre une invasion aux accents revanchards et animée par des complexes de supériorité associés à l’échec global de leur indépendance. L’hystérie des Indigènes de la République, racialistes, et décolonialistes de toutes origines semble confirmer cette crainte.

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