L’État condamné à indemniser le fils d’un harki : la vérité historique enfin reconnue ?

Centre d'instruction de harkis d'Hammam Meskoutine.

Pour la première fois, l'État a été condamné à indemniser le fils d'un harki. Le Conseil d'État a, en effet, jugé en cassation qu'il était responsable, « à raison des conditions de vie indignes réservées à l'intéressé entre sa naissance en 1963 [dans le camp de Rivesaltes] et son départ du camp de Bias en 1975 ». Il est condamné à verser au plaignant une somme de 15.000 euros, en réparation « des préjudices matériels et moraux ». Le sort réservé aux harkis à la fin de la guerre d'Algérie commence à être reconnu. Mais il y a encore beaucoup à faire pour qu'éclate toute la vérité sur cette période tragique de notre histoire.

Le Conseil d'État n'a pas souhaité trancher sur un autre aspect de la plainte du requérant, reprochant au gouvernement de l'époque "de n’avoir pas fait obstacle aux représailles et aux massacres dont les supplétifs de l’armée française en Algérie et leurs familles ont été victimes sur le territoire algérien, après le cessez-le-feu du 18 mars 1962 » et de « n'avoir pas organisé leur rapatriement en France ». La juridiction administrative a estimé que « conformément à sa jurisprudence, le juge ne contrôle pas […] les actes qui se rattachent à l'action du gouvernement dans la conduite des relations internationales et leurs éventuelles conséquences ».

Sur ordre du gouvernement, les harkis furent désarmés et abandonnés au massacre. Ceux qui eurent la chance d'atteindre la France, souvent avec le concours d'officiers qui désobéirent aux ordres, furent, pour la plupart, parqués dans des camps. Il faut que toute la lumière soit faite sur les responsabilités des autorités politiques de l'époque. Il ne faut pas oublier, non plus, l'exode forcé de centaines de milliers de pieds-noirs, qui n'avaient le choix qu'entre la valise et le cercueil. Les plus anciens se souviennent des conditions dans lesquelles près de 700.000 pieds-noirs gagnèrent la métropole, dont 450.000 débarquèrent à Marseille.

« Qu'ils aillent se réadapter ailleurs » : cette phrase, prononcée en juillet 1962, par Gaston Defferre à propos des rapatriés d'Algérie, n'est pas sortie des mémoires. Les dockers, tous encartés à la CGT, proche du Parti communiste, avaient peint sur des banderoles des messages de « bienvenue » tels que « Pieds-noirs, rentrez chez vous » ou « Les pieds-noirs à la mer ». La gauche, à de rares exceptions près, les considérait comme des capitalistes, des racistes, qui avaient fait « suer le burnous ». La France était divisée entre ceux qui suivaient aveuglément de Gaulle, satisfaits que les appelés du contingent ne fussent plus envoyés en Algérie, et ceux qui pensaient qu'elle était et devait rester française.

Il faut rappeler cette facette noire du général de Gaulle : après avoir lancé à Alger, le 4 juin 1958, un « Je vous ai compris », il a trahi le peuple d'Alger et tous les Français qui lui faisaient confiance en livrant l'Algérie au FLN.

Ce jeudi 4 octobre, Emmanuel Macron s'est rendu à Colombey-les-Deux-Églises pour rendre hommage au fondateur de la Cinquième République. Peut-on compter sur un Président qui a qualifié la colonisation de « crime contre l'humanité » pour faire toute la vérité sur cette période ? Pour réhabiliter complètement les « soldats perdus », qui ont effectivement tout perdu, fors l'honneur ? Pour demander pardon, non pas à la famille d'un complice du FLN, mais aux rapatriés, aux harkis, victimes d'une politique gouvernementale cynique et machiavélique ? La réponse est malheureusement évidente.

Se contenter d'une version officielle de ces événements tragiques, c'est une insulte à l'Histoire. Par sa décision, le Conseil d'État, malgré toute sa prudence, a fait un pas dans la reconnaissance de la vérité.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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