La vidéo du lancement officiel de la candidature d’Éric Zemmour a indisposé la gauche, et notamment le sociologue Éric Fassin. Dans une interview accordée à Libération, le 30 novembre, il présente le candidat à l’élection présidentielle comme l’incarnation d’un anti-intellectualisme qui serait propre… au fascisme.

Accusant le camp national, incarné aujourd’hui par Marine Le Pen et Éric Zemmour, de constituer un espace où l’on pourrait « impunément se vautrer dans ses pulsions mauvaises » (sic), le chercheur désire remplacer l’indignation morale par le combat politique. Il lui suffit pour cela de proposer un projet de société antagoniste. Hélas, la bien-pensance peine à opérer ce basculement. Le discours d’Éric Fassin pourrait en effet se résumer à une banale reductio ad hitlerum, amalgamant fascisme, souverainisme et anti-intellectualisme sans s’embarrasser de détails. Il semble qu’en dépit de son appel à user d’armes intellectuelles, notre sociologue ne puisse se défaire d’une logique de militantisme trotskiste qui se résume par cette phrase de Manouilski : « Traitez vos adversaires de fascistes : le temps qu’ils se défendent, vous aurez tout le loisir de leur porter de nouveaux coups. »

Éric Fassin aura eu son heure de gloire : il apparaît brièvement dans la vidéo de lancement de campagne d’Éric Zemmour. L’équipe du candidat a en effet repris quelques images du sociologue affirmant, sur France Culture, en octobre 2018, que « le racisme anti-blanc n’existe pas pour les sciences sociales ». Une affirmation qui trouve un écho dans d’autres branches des études universitaires : Pamela Ohene-Nyako, historienne, affirmait ainsi, en 2019, dans Le Temps : « Il n’y a pas eu de mouvement de théorisation raciale prônant l’infériorité des Blanches et des Blancs. » Pourtant, la relecture systématique des événements de l’Histoire de France à la lumière de l’oppression des minorités, que ce soit à propos des croisades, de la conquête des Amériques ou de la colonisation, tendent à faire des sciences sociales une arme de légitimation intellectuelle de la détestation du Blanc, responsable des malheurs du monde. L’absence de fondement historique de nombre des accusations dont la France fait l’objet rapproche la réécriture progressiste de l’histoire d’une forme de diffamation à caractère racial qui pourrait tomber sous le coup de la loi Pleven de 1972.

M. Fassin a bien raison, lorsqu’il affirme qu’« on finit par confondre le symptôme avec la maladie » : le renforcement du camp national, que ce soit derrière M. Zemmour ou Mme Le Pen, témoigne du sentiment de dépossession dont les Français font l’expérience. Si les sciences sociales ne connaissent pas le racisme anti-blanc, il serait pourtant une réalité pour 47 % des Français, soit près d’un sur deux, selon le sondage Ifop Fiducial réalisé pour la chaîne CNews, en juin 2020. La maladie de la France n’est pas sa « fascisation » mais l’aveuglement des élites aux réalités quotidiennes du plus grand nombre.

Cet aveuglement volontaire vis-à-vis du sentiment des Français apparaît dans la suite de l’argumentaire de M. Fassin, selon qui « commander des sondages sur le “grand remplacement”, c’est se transformer en communiquant (sic) de la droite radicale ». Ainsi, M. Fassin aurait le droit de signer une tribune pour mettre le prestige de sa position de scientifique respecté au service d’idées politiques assumées, et les Français ne seraient pas autorisés à s’exprimer dans un sondage. La démocratie fait grise mine : beaucoup de mépris pour le peuple et bien peu de représentation populaire : l’« intelligence collective » promue par Éric Fassin, supposée remplacer le néolibéralisme autoritaire, se resserre sur le tout petit cercle fermé des intellectuels bien-pensants cooptés.

La confiscation de la liberté d’expression qu’effectuent les intellectuels de gauche légitime ainsi rétrospectivement les revendications des gilets jaunes qui réclamaient, en 2018, l’établissement d’un référendum d’initiative populaire.

La mesure de YouTube consistant à restreindre l’accès de la vidéo d’Éric Zemmour aux plus de 18 ans sous prétexte de violences témoigne de ce désir de confiscation de la liberté d’expression. Des intellectuels déconnectés en sont réduits à jouer les chiens de garde du politiquement correct face à la progression des idées souverainistes. Ce raidissement, cette légèreté vis-à-vis des libertés fondamentales, cette envie irrépressible de censure portent bien, pour le coup, la marque noire du fascisme.

M. Fassin ferait bien de méditer cette phrase de Camus, dans L’Homme révolté : « Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. »

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12 décembre 2021 à 19:06

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