[Vu du droit] Darmanin peut-il interdire toutes les manifs d’extrême droite ?

©Shutterstock
©Shutterstock

Tout au long de la journée de mardi, l’intégralité du champ lexical de l’indignation républicaine était de sortie. En effet, samedi dernier, un groupe de nationalistes français a manifesté son soutien à Sébastien Deyzieu, décédé le 7 mai 1994, à 22 ans, en marge d’un regroupement du GUD. Ainsi que l’a parfaitement rappelé Marc Eynaud dans son article, aucun trouble à l’ordre public n’a été a déploré lors de cette manifestation.

Mais voilà, certains y ont vu des néo-nazis, d’autres des néo-fascistes, et tous ont entendu le bruit des bottes raisonner dans les rues parisiennes. Jusque-là, rien d’inhabituel et le préfet de police de Paris se défendait plutôt bien avec des armes juridiques. Mais devant la polémique, Darmanin s’est emparé du sujet. Il a donc demandé aux préfets d’interdire de manière générale et absolue toutes les manifestations d’extrême droite.

Ainsi, il ne se passe pas une journée sans que ces personnes ne restreignent impunément les libertés fondamentales dans notre pays. Ce ministre de la Macronie vient de créer « un principe général d’interdiction de manifester en raison de l’opinion politique ». C’est assez simple, au fond, par cette consigne donnée aux préfets, le ministre de l’Intérieur viole à la fois le droit européen, le droit constitutionnel et la loi en la matière.

Le Conseil d’État avait récemment rappelé les principes généraux de la liberté de manifester : « La liberté d'expression et de communication, garantie par la Constitution et par les articles 10 et 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, constitue une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative. Son exercice, notamment par la liberté de manifestation ou de se réunir, est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect d'autres droits et libertés constituant également des libertés fondamentales au sens de cet article. » Par conséquent, le principe absolu est celui du droit de manifester.

Parce que manifester est une liberté fondamentale, ceux qui souhaitent organiser une manifestation n’ont qu’une obligation déclarative. Le Conseil d’État a d’ailleurs refusé, pendant la crise sanitaire, de faire basculer cette obligation vers un principe d’autorisation préalable. Autrement dit, une manifestation doit être déclarée mais n’a pas à être autorisée.

En revanche, une fois déclarée, et par exception seulement, la manifestation peut être interdite par le maire ou par le préfet. Mais il existe des conditions de légalité strictes dans lesquelles doivent s’inscrire ces interdictions, comme par exemple une présomption grave d'un réel danger de troubles à l'ordre public procédant de la manifestation projetée et l'inexistence d'un autre moyen efficace pour maintenir l'ordre public.

Ainsi, ordonner aux préfets d’interdire toutes manifestations d’extrême droite, c’est donner l’ordre d’exclure « a priori » toute réflexion sur les conditions de légalité de l’arrêté. Le ministre de l’Intérieur lui-même demande donc aux préfets de prendre des arrêtés d’interdiction, quand bien même ceux-ci seraient « a priori » manifestement illégaux. Or, l'arrêté doit être motivé en application de l'article L. 211-2 du Code des relations entre le public et l'administration.

La décision doit préciser, dans ses motivations, les risques pour l'ordre public (précédentes manifestations organisées par les mêmes personnes et ayant donné lieu à des troubles, mots d'ordre visant à troubler l'ordre public ou à commettre des dégradations) et la difficulté quant au maintien de l'ordre public liée, par exemple, au volume des forces de police, aux difficultés inhérentes au lieu de la manifestation. Le préfet ne peut pas s’extraire de son obligation de motivation, pour des raisons uniquement politiques, sous le prétexte qu’il laisserait les tribunaux administratifs le soin de juger de la légalité de son arrêté. Raisonner ainsi, c’est décider de façon totalitaire de restreindre une liberté fondamentale envers un ennemi supposé qui n’est même pas strictement défini.

Platon n'avait-il donc pas raison lorsqu’il affirmait que la tyrannie deviendrait le point d’aboutissement inéluctable de la démocratie ?

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

34 commentaires

  1. Les manifestations d’extreme droite , des violences ? des agressions de forces de l’ordre ?
    La violence vient des islamo-gauchistes , mais là , pas touche , le gouvernement se couche .
    Fort avec les faibles , et faible avec les forts .

  2. Désormais la question sera de définir « où commence l’extrême-droite? » et de trouver les moyens de faire varier ce commencement en fonction des circonstances politiques du moment. pourquoi ensuite d’étendre cette interdiction aux discours politiques des élus ou candidats. De cette façon, il deviendra difficile de dire pour ce qui concerne la droite de dire autre chose que Noël est en décembre pour tout argumentaire. Robespierre et Staline ne sont pas encore morts.

  3. Il interdit à l’Action Française de fêter Jeanne d’Arc; C’est encore du jamais vu….Pourtant cette célébration a lieu tous les ans sans problème .Onpeut se poser la question Notre ministre Darmanin ….n’aurait il pas attraper quelque dérangement au cerveau?Je m’inquiète pour lui.

  4. Bon ! maintenant qu’ils ont vu une manifestation d’extrême Droite ILS savent ce que c’est, comment ils sont, avec quelles banderoles, et bien plus en rangs que l’extrême gauche…..ILS devront faire des excuses publiques et renouvelées à MLP et à Zemmour….

  5. parce que l’ultra droite est masquée et qu’elle n’a rien casser, pas même un abri bus pour le fun, une manif qui a lieu tous les ans depuis 29 ans et qui ne fait pas de dégâts pour le minot de l’intérieur c’est louche, donc pas de détériorations, pas d’insultes si ce n’est quelques slogans de 500 manifestants, paf on va dissoudre et interdire, pendant ce temps là, les « soulèvements de la terre » qui attaquent les policiers et gendarmes, les blacks blocs qui cassent vitrines, mobilier urbains, qui sont masqués, et qui tentent de tuer les policiers et gendarmes sont immunisés par la justice. On est dans la même situation qu’avec « génération identitaire » qui manifestait sans jamais rien casser et qui a été dissoute. Darmani compte sur l’ultra gauche pour éventuellement se faire élire « président » en 2027, il les cresse dans le sens du poil.

  6. Défiler masqués, mais sans équipements de destruction autres que quelques drapeaux identitaires est une insulte faite aux black-blocs, si utiles au pouvoir! Darmanin a dû légitimement être vexé !

  7. Les libertés disparaissent l’une après l’autre, sans être condamné on est stigmatisé catégorisé insulté si on ne rentre pas dans le moule. On peut tuer son voisin sa femme ses enfants on accorde alors des absences mentales momentanés qui excusent vos pertes de conscience assassines , mais vos opinions politiquement incorrectes sont traités au premier degré sans la moindre indulgence
    Pas question de porter un bonnet rouge ou une veste jaune, le foulard sur la tête est assimilé au voile et cacher un visage le nez dans une écharpe est dangereux dans une manifestation . ( histoire vécue)
    De là à interdire une marche tranquille avec un drapeau Celte..pourquoi – pas kpuisqu,elle est taxée d’extrême droite et qu’à part pour l’extrême gauche il n’y a plus de place.

  8. Apres la dictature du prolétariat nous venons d’inventer la dictature du bien. Tout ce qui n’est pas adoubé par le camp du bien doit être interdit. Par exemple la dissolution de Génération Identitaire (que M Castaner n’avait pas osé demander) a été obtenue rapidement. Maintenant ce sont les manifs de droite qui vont être interdites. Demain pourra-t-on manifester contre l’implantation d’un CADA comme à Bélabre ? Dans les facs on interdit les conférences qui fâchent la gauche car elle n’a pas d’arguments à y opposer, comme celle sur les frères musulmans à la Sorbonne, etc…

  9. Pour les « black bloc » : pas de problème vous pouvez être maqué, casqué et armé et tout cassé !!!
    pour les « ultra droite » : que des problèmes ils sont masqué certes (interdit pas la loi ) mais pas casqué pas armé et de plus ils ne cassent rien !!
    Monsieur le Ministre de L’intérieur, faites attention à votre raisonnement rebouteux, ça va se voir et un jour ça ne se passera pas si bien que ça !

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois