Viande halal et burger saignant : sauve « Quick » peut !

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En voilà, une nouvelle qu’elle est bonne : « Pourquoi le burger halal va sauver Quick », titrait Ouest-France, ce 14 août. Non, les amis, ce n’est pas une dernière histoire belge à la sauce Molenbeek, même si nous connaissons tous les déboires de cette chaîne de restauration rapide créée chez nos amis wallons et flamands amateurs de frites en 1971 et avalée par le groupe français Bertrand (cocorico !) après 2015.

Mais alors que le groupe envisageait, non pas de restaurer la chaîne belge, mais de convertir les enseignes Quick en Burger King, dont il venait d’acquérir la licence française, la crise sanitaire vient à point nommé pour faire d’autres heureux bénéficiaires : les 107 derniers Quick viennent d’être vendus par Bertrand au fonds américain HIG Capital. HIG « prévoit de finaliser cette acquisition d’ici la fin de l’année après obtention de l’autorisation des autorités de la concurrence », précise un communiqué, sans indiquer le montant de la transaction qui serait de quelque 240 millions d’euros, selon l’AGEFI. Une paille, quoi !

« L’erreur de Bertrand, c’est de ne pas croire au halal », commente Bernard Boutboul, fondateur du cabinet d’études Gira Conseil, spécialisé dans le marché de l’alimentation, dont la devise « Construisons la restauration de demain » paraît, dans ce cas-là, lugubrement prémonitoire, lorsqu’on sait le poids démographique et culturel croissant du monde musulman historique et de ses diasporas.

D’après une enquête du Parisien, ces 107 restaurants Quick de l’Hexagone serviraient 36 millions de repas à l’année – uniquement en viande halal, dans laquelle se serait spécialisé le réseau –, ce qui n’a pas manqué de provoquer, parfois, contestations et polémiques lorsque la certification était 100 % avérée, comme à Châlons-en-Champagne ou à Agde, en 2018.

Qu’à cela ne tienne, ajoute Bernard Boutboul, devant l’homologation halal, depuis 2012, de bon nombre de ces établissements par l’Association rituelle de la grande mosquée de Lyon (ARGML), dont la certification aurait renforcé la réussite : « Les Quick en halal réalisent deux à quatre fois les résultats des Quick "traditionnels" et la demande de la communauté musulmane est croissante », toujours d'après Ouest-France. Un marché halal florissant, donc, de 6 milliards d’euros, sans perte, à l’arrivée, d’aucune autre clientèle. « HIG Capital va développer Quick, via le halal, en multipliant finalement le nombre d’enseignes par trois ou quatre », conclut le spécialiste, qui semble pressentir la bonne pioche financière et commerciale du groupe américain.

Sur le chemin fleuri des sociétés de portefeuille (holdings) qui forgent le monde nouveau, pour qui l’unique tradition qui vaille est celle des plus nombreux consommateurs – mais à condition qu’au-dessus règne le dieu du bénéfice –, le halal, seul licite au regard de la loi islamique, n’est-il pas l’aboutissement des agapes confraternelles, puisque tous « gens du Livre », même chrétiens ou juifs, ont droit d’y sacrifier ? Serions-nous, mécréants que nous sommes, assez obscurantistes pour refuser d’admettre la valeur supérieure de cet abattage parfait ? Beauté de l’animal qui se convulse et se décharge, avec sa vie, de ses impuretés…

On pourra se réjouir, car le logo de Quick restera toujours un grand « Q ». Avec ces mêmes slogans d’appétence : « un goût de légende », pour « amoureux du goût » diront les humoristes belges. Mais posons, pour finir, la question essentielle : alors, simple malbouffe, le burger halal ? Ou colonisation confessionnelle voilée ? Et pour le coup, ce n’est pas drôle.

Pierre Arette
Pierre Arette
DEA d'histoire à l'Université de Pau, cultivateur dans les Pyrénées atlantiques

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