Un prince capétien est mort : le grand-duc Jean de Luxembourg

GRANDUCLUXEMBOURG

Le grand-duc Jean de Luxembourg vient de mourir. Né en 1921, il était âgé de 98 ans. Son parrain fut le pape Benoît XV (1854-1922), le pape de la Grande Guerre. Il régna de 1964 à 2000, année où il abdiqua en faveur de son fils Henri. Il était le fils de la grande-duchesse Charlotte (1896-1985), elle-même fille du grand-duc Guillaume IV (1852-1912), de la maison de Nassau. Le père du grand-duc Jean était Félix de Bourbon, prince de Parme (1893-1970).

Bourbon-Parme, donc Bourbon, le grand-duc Jean de Luxembourg était donc un prince capétien, descendant en ligne masculine de Louis XIV et de Saint Louis par les Bourbons d’Espagne, ce qui lui donnait ainsi qu’à ses fils, selon les légitimistes, un droit sur la couronne de France en… trente-septième position. Ainsi, on l’oublie bien souvent, les Bourbons règnent aujourd'hui en Espagne mais aussi sur cet État-confetti qu’est le grand-duché de Luxembourg, État souverain depuis le congrès de Vienne de 1815. Même les Luxembourgeois semblent ignorer cette ascendance capétienne par les mâles (ou, pour faire plus savant et moins sexiste, « agnatique ») : en 2011, l’auteur de ces lignes l’avait rappelé à un officier luxembourgeois qui l’avait alors regardé avec de grands yeux étonnés ! Le grand-père paternel de Jean, Robert (1848-1907), fut le dernier duc régnant de Parme et Plaisance. Le duché de Parme et Plaisance, au nom si délicieusement poétique, était un autre État-confetti, créé, lui, au XVIe siècle par le pape Paul III Farnèse au profit de son fils et passé par mariage aux Bourbons au XVIIIe siècle. Un État qui ne résista pas à l’attraction de la maison de Savoie puisque annexé en 1860 au royaume de Sardaigne, un an avant la création du royaume d’Italie au profit de cette même maison de Savoie. Robert de Bourbon-Parme fut marié deux fois et eut douze enfants de chaque mariage. Ce qui explique que les Bourbon-Parme, comme du reste les Habsbourg, sont aujourd’hui si nombreux à travers l’Europe. Le prince Félix, futur prince consort de Luxembourg, était, lui, issu du second lit, tout comme sa sœur, Zita (1892-1989), dernière impératrice d’Autriche.

Mais revenons au grand-duc Jean. En mai 1940, lors de l’offensive allemande, le grand-duché est envahi. La famille grand-ducale ainsi que le gouvernement prennent le chemin de l’exil, traversent la France, l’Espagne et rejoignent, dans un premier temps, le Portugal. La grande-duchesse et son gouvernement partent pour la Grande-Bretagne mais Félix et ses enfants font d'abord un passage par les États-Unis puis le Canada. Ce n'est qu'en octobre 1942 que Jean arrive en Angleterre. En juillet 1943, après sa formation militaire, il est promu lieutenant dans les Irish Guards et, en juin 1944, il participe au débarquement de Normandie. Le 10 septembre 1944, il fait son entrée dans le grand-duché, quatre ans après l’avoir quitté. Mais il repart immédiatement au combat avec sa brigade. Il ne rentre définitivement au Luxembourg que le 14 avril 1945 pour le retour triomphal de sa mère, la grande-duchesse Charlotte.

En 1953, Jean de Luxembourg épousa sa voisine, la princesse Joséphine-Charlotte de Belgique (1927-2005), sœur des rois Baudouin et Albert II. Cinq enfants sont nés de cette union, dont le prince Henri (né en 1955) et grand-duc de Luxembourg depuis 2000. Le grand-duc Jean avait vingt-deux petits-enfants et quinze arrière-petits-enfants. Stéphane Bern, dans son livre L’Europe des rois paru en 1988, décrivait un prince affable, courtois, d’abord facile qui avait gardé de son éducation un humour très britannique, aimant à « fréquenter de vieux amis de régiment et à passer en leur compagnie des moments agréables autour d’une bonne table et de bons vins »… Un descendant d’Henri IV, en somme. Plus qu’un Nassau, un Bourbon !

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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