Trump parle pour son pays, Macron pour les autres
Trump a parlé au nom des États-Unis et pour les États-Unis. Macron a dit qu'il devait parler pour ceux qu'on n'entend pas, pour les autres. En cela, ils se sont opposés et la vanité habituelle du microcosme s'est réjouie des idées généreuses contenues dans un discours bien dans notre tradition nationale. Depuis longtemps, notre pays, qui a perdu sa puissance, essaie de se donner un rôle planétaire par la largeur de ses vues. La réalité, c'est que les États-Unis ont la taille et la force qui les mettent à l'échelle du monde, alors que la France n'en possède plus que les vestiges, comme la force de frappe nucléaire et la présence au Conseil de sécurité de l'ONU, legs de l'action du général de Gaulle.
Lorsqu'ils parlent de leurs valeurs et de leurs intérêts, les États-Unis ont aussi les moyens de les mettre en œuvre, même si, souvent, c'est avec une insigne maladresse. Le président américain a donc évoqué son pays avec fierté. [...] Il a appelé tous les États-nations à affirmer leur souveraineté, la souveraineté des peuples qui les constituent, ces peuples dont les dirigeants doivent avant tout servir les intérêts.
Le Président français, lui, a prétendu parler pour les autres, ceux qu'on n'entend pas, donnant certes à son pays une mission universelle, mais bien abstraite et oubliant pour le moins les intérêts du peuple qui l'a élu. La France a souscrit des engagements, elle doit assumer des devoirs, elle va verser des contributions, susciter des réunions et des conférences, des actions et des processus, se dévouer pour le développement de l'Afrique et pour sécuriser la route de la liberté des migrants, défendre le multilatéralisme... Ce beau discours a ainsi dilué le peuple français dans la générosité verbale de son dirigeant.
Le raisonnement du Président français est simple. L'intérêt général, le bien commun du monde sont aussi ceux de chaque pays et, donc, de celui qui l'a élu. Mais comme ce pays n'a plus guère les moyens de peser seul sur l'avenir de la planète, il ne peut que susciter des actions collectives ou y participer dans le cadre du multilatéralisme. Alors il a commencé par citer les personnages fictifs, exemplaires des exigences auxquelles il fallait répondre : Bana, le Syrien d'Alep, Ousmane, l'écolier malien de Gao, Kouamé, le migrant africain, et enfin Jules, le compatriote de Saint-Martin. Un cinquième a été oublié, qui aurait dû pourtant être le premier : le métropolitain, exposé aux attentats islamistes, soumis aux pressions intégristes lorsqu'il est ou devient musulman, menacé par le chômage, et parfois victime des trafics. Car ce que M. Macron a omis en parlant de la dette de la France envers le monde, ce sont les risques que le monde fait aujourd'hui peser sur la France. [...] Le seul Français cité est celui de Saint-Martin, et ce n'est que pour évoquer le discutable réchauffement climatique [...] Pour souligner son impuissance, M. Macron a parlé de la Syrie, en souhaitant participer à un Astana amélioré. Mais la guerre se termine, sans qu'à son terme la France ait eu le moindre rôle, sinon le mauvais. [...] M. Macron a cité aussi le Mali et, plus généralement, le Sahel où l'implication de notre pays est forte. [...] Il a, encore, rappelé la responsabilité particulière de la France en Libye, et le drame des Rohingyas de Birmanie.
Dans une formule rhétorique il a conclu qu'"aucune barrière ne pourra s'opposer à la marche du désespoir" et qu'il fallait "transformer les routes de la nécessité en route de la liberté". L'idéologie sous-jacente est limpide. En creux, elle passe sous silence la spécificité islamiste dans la plupart des conflits et dans la montée de l'obscurantisme et du terrorisme, des Philippines à l'Afrique en passant par la Birmanie et le Moyen-Orient, jusqu'en Europe ! En relief, elle consiste à organiser la migration plus qu'à la réduire drastiquement.
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