[Tribune] Poursuivre la mission multiséculaire des préfets au service de la France

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Au moment où les préfets et les sous-préfets sont appelés, en 2023, à exercer leur droit d’option pour leur avenir personnel dans la nouvelle institution des administrateurs de l’État, un retour aux sources met l’accent sur l’héritage historique d’une surprenante continuité, lorsque, selon les termes de De Gaulle, « la France prit son nom et l’État sa fonction ».

Les racines du corps préfectoral ont toujours exprimé une incarnation identitaire dans notre État. Dès l’origine, le pouvoir politique en France a voulu envoyer en mission des représentants personnels sur le territoire, vivant au milieu de la population, pour donner un visage humain à l’autorité publique, pour exécuter les ordres du roi, pour développer les activités économiques, pour protéger le peuple. Les missi dominici de Charlemagne et les maîtres des requêtes du Conseil royal ont été suivis par les intendants de Louis XIV. Après la Révolution, le Premier consul a mis son génie dans les traces des anciens en créant les préfets, nouveaux missionnaires de l’État central sur le territoire. Tous les régimes successifs ont maintenu l’institution comme un des piliers de la France, selon la formule de Péguy saluant la filiation continue de « la République, notre royaume de France ».

Cette originale institution n’est pas restée figée. Les gouvernants ont voulu l’adapter constamment aux nouveaux problèmes de la nation. Le corps préfectoral s’est inscrit dans l’axe de la réforme permanente de l’État et les présidents de la République ont voulu ajuster la fonction, non pas au métier mais à la mission supérieure du service de la France. En 1958, la Constitution de la Ve République a consacré l’article 72 à la seule fonction publique concernant le préfet, représentant de l’État et de chacun des membres du gouvernement, « chargé des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». Par la suite, les nouvelles compétences du préfet, représentant de l’État et du gouvernement, lui ont confié la mise en œuvre des politiques publiques au fur et à mesure des priorités de la nation, telles que l’aménagement du territoire, la décentralisation liée à la déconcentration, la régionalisation, jusqu’aux nouveaux défis de la société, développement économique et social, paix civile, pauvreté, santé publique, union nationale.

Désormais, la priorité est à la refondation plutôt qu’à la déconstruction. Le corps préfectoral est appelé à retrouver son souffle, son idéal et sa place au sein d’une ambitieuse réforme stratégique de l’État, pour action interministérielle auprès du Premier ministre et pour gestion auprès du ministre de l’Intérieur. En effet, au-delà des structures, des statuts et des procédures, il importe de retrouver dans le corps préfectoral, non pas la plume de nouveaux marquis de Cour, mais, par l’apprentissage des réalités humaines du terrain, la mission permanente spécialisée dans la garde prétorienne des intérêts de la France.

Le 30 juillet 1944, la veille de sa mort héroïque dans un combat aérien, Antoine de Saint-Exupéry avouait que s’il rentrait vivant, il ne se poserait pour lui qu’un problème : « Que peut-on, que faut-il dire aux hommes ? » C’est le même langage de vérité qui est attendu de nos jours.

Paul Bernard
Paul Bernard
Docteur en droit, préfet de région honoraire, ancien préfet de la région Corse, président d'honneur de l’Association du Corps préfectoral

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