Le malheureux téléspectateur français qui essaie de s’informer et de comprendre le drame qui se joue en Ukraine doit subir le bla-bla de quelques chroniqueurs qui parlent à perte de vue d'un sujet qu'ils n'ont pas eu l'honnêteté d'étudier. Notamment les accords de Minsk.

Comment ont été élaborés les accords de Minsk ? Ces accords de Minsk I et Minsk II ont été conclus en 2014 et 2015 pour mettre fin aux hostilités et promouvoir une solution pacifique durable. Ils ont été menés sous l'égide d'une diplomate suisse (Mme Tagliavini), signés par l'Ukraine et la Russie, en présence des représentants des zones rebelles. Une déclaration de soutien de la France et de l'Allemagne y a été annexée. Enfin, en février 2015, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé à toutes les parties au conflit de respecter le cessez-le-feu signé en février 2015 et les accords de Minsk de septembre 2014.

Que disent les accords de Minsk ? Outre un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes du front, la création d'une zone de sécurité de 70 km de large, l’échange « tous contre tous » des prisonniers, le tout sous la surveillance de l'OSCE, le plus important était les dispositions politiques et démocratiques : tenue d’élections locales conformément à la législation ukrainienne (notamment la loi relative aux modalités temporaires de l’exercice de l’autonomie locale dans les régions de Donetsk et de Louhansk), ainsi que le régime futur de ces zones dans le cadre de cette loi. Rétablissement des rapports socio-économiques, notamment des transferts sociaux tels que versement des pensions et autres paiements. Le « droit à l’autodétermination linguistique » : on rappellera en effet que, durant des années, non seulement les bénéficiaires russophones de prestations sociales ne recevaient plus leurs documents sociaux en russe mais en ukrainien, mais encore que les prestations sociales n'étaient plus versées… Et, surtout, les clauses 10 et 11 n'ont pas été respectées. La clause 10 prévoyait « sous le contrôle de l’OSCE, le retrait du territoire ukrainien de l’ensemble des unités armées étrangères, équipements militaires et mercenaires étrangers ». Et le «< désarmement de tous les groupes illégaux ». Quant à la clause 11, elle visait « une réforme constitutionnelle […] dont un élément essentiel serait la décentralisation, compte étant tenu des spécificités de certaines zones des régions de Donetsk et de Louhansk ».

Les accords de Minsk ont-ils été violés ? Oui, sans l'ombre d'un doute. Non seulement la fédéralisation de l'Ukraine est restée lettre morte, mais encore et surtout, des milices paramilitaires se sont maintenues et sont venues créer des incidents aux confins du Donetsk. Qui finance, équipe, dirige les groupes paramilitaires, les milices ? Par exemple, le bataillon Azov, qui n'est devenu, que pour la façade, une force du ministère de l'Intérieur. Quel est le rôle de l'oligarque Kolomoïsky, à la triple nationalité, ex-directeur de PrivatBank, fondateur de milices, qui, après des détournements allégués, a quitté l'Ukraine pour y revenir en 2019 en soutien encombrant de l'actuel président ?

L'histoire de l'Ukraine est une histoire infiniment tragique. Ballottée entre Pologne, Autriche et Russie, puis entre stalinisme et hitlérisme, puis à nouveau stalinisme, les massacres de Volhynie, l'ombre de Bandera, cela marque encore les mémoires d'aujourd'hui. Ignorer tout cela, c'est se condamner à dire d'ignares sottises sur la crise ukrainienne actuelle et sur la façon de la dénouer. Plus le temps passe, plus l'ignorance aggrave la crise. Les accords de Minsk étaient déjà morts quand Biden a soufflé sur les braises. Il prépare ses midterms qui, en novembre, risquent de lui être fatales : un Sénat à nouveau républicain reprendrait sans doute la ligne de paix Trump, révulsant le deep state militaro-industriel. En France, la possible défaite de Macron permettra-t-elle, dans le climat émotionnel actuel, de relancer une solution intelligente et juste en Ukraine ? Une Ukraine fédérale, lieu de coopération entre la Russie et l’Europe, neutre dans une Mitteleuropa démilitarisée et l'évacuation de la CIA fauteur de guerres ?

 

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26 février 2022 à 8:39

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37 commentaires

  1. J’avais lu hier les accords de Minsk, dans leur intégralité, et j’ai dû rendre les armes à la fin ; aussi la lecture de cette synthèse m’a apporté beaucoup plus, merci à l’auteur.
    Un chef d’État porte une très lourde responsabilité dans une déclaration de guerre, mais dans le cas présent, W. Poutine a subi tant de camouflets (ex Yougoslavie, Libye puis Syrie , et parties russophones de l’Ukraine) que sa réaction semble justifiée.
    Son intervention en Syrie aurait dû alerter ses adversaires.

  2. Evacuation de la CIA, certes. Evacuation de toutes les bases militaires américaines en Europe, ce serait encore mieux.

  3. Merci M. Temple pour cette mise au point. On ne peut avancer hors de la vérité, la seule voie pour la paix.

  4. Pour ceux qui veulent se renseigner sérieusement les choses sont très claires, les ukrainiens du moins les gouvernements ukrainiens successifs n’ont pas respecté les accords et la France et l’Allemagne n’ont pas joué leurs rôles correctement et Poutine s’est mis en colère c’est simple mais c’est toujours les mêmes qui paient: le peuple

  5. Certains analystes (sur CNEWS) se sont risqué a dire que l Uktaine avait violé allégrement les accords de Minsk. On ne parle pas des russes persécutés dans le Donbass. L occident glorifie Velinski et diabolise Poutine ce qui est logique quand on appartient a un camp (mais pas forcement juste)
    Velinski est loin d etre blanc comme neige dans cette guerre .

  6. Les médias dominants se gardent bien de parler des circonstances qui pourraient, sinon excuser totalement mais au moins expliquer les raisons de l’intervention de la Russie.

  7. Un excellent résumé de la situation. Une fois de plus l’Empire yankee a jeté de l’huile sur le feu en espérant que les Russes déclencheraient un conflit qu’il ne pouvait pas engager à cause de la parité nucléaire. L’Empire a atteint un double objectif : d’une part, créer un fossé entre la Russie et le ventre mou européen et, d’autre part, remettre sur pieds l’OTAN dont l’existence même était discutée. De plus, les Étatsuniens vont pouvoir vendre du gaz de schiste et des armes en Europe.

  8. Dans les catastrophes qui ont frappé l’Ukraine, n’oubliez pas l’Holodomor de 1932/1933, initié par le « petit père des peuples ». En peu de temps, l’effroyable bilan fut du même ordre que celui de l’Holocauste sur une période plus longue.
    Mais cette tragédie est très peu rappelée au nom du politiquement correct.

  9. L’Ukraine, partagée entre de multiples langues trois religions et deux écritures, berceau de la Russie, polluée par Tchornobyl, grenier à blé de l’Europe, victime de la famine organisée par Staline, représentée par les femens ou les maffias de traite des blanches …Comment voulez-vous que l’on ait une opinion juste sur ce pays où Kiev est un berceau de la culture Russe ?

  10. Monsieur Temple, ne craignez vous pas d’être traité de tous les noms d’oiseaux pour asséner des vérités que même et surtout, les politiciens véreux qui gouvernent l’Europe ne veulent ni voir ni entendre ? Éric Zemmour en sait quelque chose en ce moment qui, après avoir été traité de nazi, pétainiste, facho, se voit affublé du superlatif de « bolchévique » !

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