Lors de son discours d’investiture, le président de la République a développé son habituelle rhétorique sur les « Lumières », la raison et le progrès qui fleure bon la Troisième République ou, pire encore, la Première. Le personnage se veut « progressiste », mais ce que produit le progressisme se traduit en pratique par une régression humaine et morale, une régression dans l’ordre de la civilisation. La pensée progressiste est, en fait, régressive.

Que constate-t-on, en Occident ? Un recul du sens même de l’humain dans sa réalité charnelle. Au nom de la théorie du genre, la différence et la complémentarité sexuée biologique sont quasiment niées alors que toute société humaine est fondée et organisée sur ces données de nature. Dans le même sens, le caractère sacré de la vie humaine devient relatif. L’avortement passe du statut d’exception motivée par des circonstances graves à « un droit » que M. Macron veut faire inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Rappelons-nous que, durant la législature qui s’achève, il avait été proposé d’autoriser l’avortement jusqu’au neuvième mois. Prolongement logique, à l’autre bout de l’existence humaine, le Président souhaite légaliser l’euthanasie, certes moins coûteuse que les soins palliatifs. Tout cela ressemble terriblement aux sociétés antiques païennes dans lesquelles l’infanticide était admis (« exposition » des enfants en Grèce, infanticide légal à Rome) et le suicide donné en exemple de stoïcisme.

Mais le discours « macronien » comporte aussi l’étrange notion de « peuple nouveau ». Outre le fait qu’on ne change pas de peuple comme de chemise, cette formulation évoque de bien sinistres périodes de l’Histoire de France et d’Europe. La régénération du peuple, au besoin dans le sang, était une obsession des jacobins. Marat, dans L’ami du peuple, réclamait l’extermination des adversaires de la Révolution (27 avril 1792). La Vendée en a expérimenté l’horreur. Dans le même esprit, Lénine qui voulait créer un homme nouveau, affirmait qu’« une révolution sans peloton d’exécution n’a aucun sens ». Quant à l’homme nouveau conçu par Hitler, nous savons malheureusement de quoi il fut capable. « J’ai vu l’homme nouveau. Il est intrépide et cruel », aurait confié Hitler à Hermann Rauschning (Hitler m’a dit). Bien évidemment, Macron n’a aucune intention de suivre ces exemples, mais il demeure que la notion de « nouveau peuple », plus qu’étrange, est inquiétante. D’autant que le Président réélu a, dans son discours, opposé un peuple éclairé et tourné vers l’avenir à un peuple replié sur lui-même et attiré par le « nationalisme ».

Y aurait-il un bon peuple et un mauvais ? Rappelons les mesures prises lors de la pandémie qui allèrent jusqu’à priver d’emploi ceux qui refusaient de se faire injecter un vaccin à l’efficacité limitée. Ou encore un Président qui avait « envie d’emmerder les non-vaccinés ». Le totalitarisme moderne est plus habile et moins brutal que celui que connurent nos pères. Il use de la loi et des tribunaux pour priver de liberté. Notamment d’expression. Marat, encore lui, avait dénoncé « la fausse maxime de liberté illimitée des opinions et de la presse » (Le Publiciste de la République française, 23 juin 1793). Force est de constater que nous y sommes. La liberté d’expression et d’opinion ne cesse de régresser en France : lois mémorielles, interdictions médicales, délit « d’entrave numérique » à l’avortement… la liste est devenue longue des restrictions à la liberté d’opinion et d’expression en France. Et nombre de journalistes, d’hommes et de femmes politiques ne cessent d’être traînés devant les tribunaux par des associations militantes dans le but de faire taire les voix indépendantes.

Dérangeante, aussi, la vision idéologique de l’école à laquelle est assignée la tâche de forger « des esprits républicains » et non plus de transmettre des savoirs. C’était déjà le projet de Jules Ferry. Retour en arrière à nouveau. Mais qu’est-ce qu’un esprit républicain ? Un esprit soumis à l’idéologie politiquement correcte, au wokisme, au mondialisme, à la théorie du genre ?

Enfin, Emmanuel Macron nous a parlé d’« un projet républicain et européen », pas d’un projet pour la France, citée de façon anecdotique au fil du discours. Le mot « république » lui fut souvent préféré. Une idée politique, donc, plus qu’une réalité historique. Ce qui est très éclairant. La France n’est pas la préoccupation du Président réélu. Ce qu’il aime, c’est le pouvoir. Sans doute assez peu les gens, comme son attitude et ses propos l’ont trop souvent démontré. Quant à la France, il semble bien pressé d’apposer le mot « fin » sur la dernière page de son histoire. Sa vocation serait de se dissoudre dans une Union qui ne se dit même plus européenne, muée en machine idéologique du commerce mondial et du relativisme sociétal. Pauvre France et triste sire.

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15 mai 2022 à 12:30

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57 commentaires

  1. La nouvelle politique est à la politique ce que la nouvelle cuisine est à la cuisine : rien dans l’assiette et l’addition est très salée.

  2. Quand on revoit avec un peu de recul , le spectacle éhonté de cette investiture ,avec cet aréopage de tout bord, des soutiens de dernière minute, des pourfendeurs repentis (Valls , Touraine ,et bien sûr le président du Conseil Constitutionnel , etc…) tout ces « tailleurs de veste » (recto/verso) , et s’agenouillant presque devant le monarque Macron , afin de contrebalancer il faut aussi noter la présence de notre ancien 1er ministre qui se fait faire des papouilles par Jupiter,etc..

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