Tiers payant généralisé : avec l’exemple LOUVOIS, les médecins ont de quoi s’inquiéter

Avec le tiers payant généralisé (TPG), le nouveau ministre de la Santé Agnès Buzyn a trouvé sur son bureau un de ces œufs d'alien prêts à éclore, que les socialistes laissent habituellement derrière eux avant d'être chassés du pouvoir. Et comme le suivant semble en prendre l'habitude, nous assistons à un tango argentin entre ministre, Premier ministre et Président sur l'opportunité et la date d'application de la mesure. On se souvient que le vocable "accès aux soins" était, pour Marisol Touraine, un véritable mantra, qu'elle psittacisait de façon obsessionnelle dans toutes ses apparitions publiques. Les gens normaux ne voyaient dans cette idée fixe qu'une saine réaction à une désertification médicale qui, contrairement à ce qu'on croit, frappe autant nos villes que nos campagnes, et dont les causes sont bien connues : numerus clausus, honoraires stagnants, harcèlement administratif permanent, attrait compréhensible d'une profession de plus en plus féminisée pour les avantages du salariat, etc.

Mais alors que tous ces paramètres étaient pilotables depuis longtemps par la bureaucratie gouvernementale, celle-ci ne voulait voir qu'une seule cause à la difficulté de se soigner : l'argent, l'impossibilité de débourser quelques euros en fin de consultation… En réalité, ce n'est vrai (et encore, partiellement) que pour le financement des lunettes ou des prothèses dentaires ou auditives et autres cas plus exceptionnels. Car les vrais démunis ont la CMU, les étrangers en situation irrégulière ont l'AME (souvent jamais honorée), les revenus faibles ont l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS), les accidents du travail ne payent rien (et les médecins en attendent le règlement de la Sécu plusieurs mois)… Alors, où donc un obstacle financier aux soins se niche-t-il encore dans notre pays ?

D'autant qu'aucun médecin n'a attendu les socialistes pour faire du social : chacun d'eux a, depuis toujours, dans un tiroir, une enveloppe "chèques à n'encaisser qu'à telle date", qui permet même aux patients d'être remboursés bien avant d'être débités !

L'inquiétude des médecins face au TPG se comprend si on se souvient du tristement célèbre logiciel LOUVOIS (LOgiciel Unique à VOcation Interarmées de la Solde) qui, depuis 2011, empêche encore aujourd'hui les militaires d'être correctement payés. 9 % des soldes sont encore à retraiter chaque mois, alors qu'il s'agit de sommes quasi fixes ! Qu'en serait-t-il demain avec le TPG pour les médecins, dont les actes tous différents sont affectés de plus de mille lettres clés, et qui aujourd'hui déjà donnent lieu a posteriori à des contrôles byzantins par la Sécu, riches de contestations et de recours chronophages devant des commissions absconses ? La Sécu paiera ce qu'elle voudra, à charge pour le médecin de vérifier régulièrement, ligne par ligne et malade par malade, s'il a bien son dû ! Ce serait, en réalité, un contrôle total des praticiens par la Sécurité sociale, infiniment supérieur à celui d'un salarié par son employeur.

Il n'y a, en réalité, que deux effets à attendre du TPG : inciter les médecins en fin d'exercice à prendre leurs retraites plus rapidement, et décourager plus encore les jeunes diplômés d'entreprendre une installation libérale. Mais, après tout, c'est peut-être le but recherché…

Richard Hanlet
Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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