Syndicats du crime et écoutes du FBI : le coup de filet planétaire !

bouclier Troie

Ce mardi, la police australienne annonçait l’arrestation de plusieurs centaines de membres du crime organisé à l’occasion d’un gigantesque coup de filet à échelle planétaire : mafias diverses, triades en tous genres, gangs de motards et autres cartels, il y en a eu pour tout le monde, sans distinction d’origines ethniques ou religieuses, dira-t-on. À l’origine de ce succès, il y a l’étroite collaboration entre le FBI américain et les polices de seize pays différents, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et d’autres en Europe.

Le nom de cette opération hors normes ? « Trojan Shield », pour « Bouclier de Troie ». Bref, on se croirait dans un film ou une série télévisée tournée à la gloire des nouvelles technologies. Ainsi, les personnes appréhendées utilisaient des téléphones cryptés ANoM. Il va sans dire que ce type d’appareil ne s’achète pas dans la boutique de téléphonie mobile du coin de la rue. On ne peut s’en procurer que par cooptation et douze mille seulement étaient en circulation dans le monde.

Explications de Reece Kershaw, chef de la police australienne : « Un criminel devait connaître un autre criminel pour obtenir ce matériel. […] Les appareils ont circulé et leur popularité a grandi parmi les criminels, qui avaient confiance dans la légitimité de l’application, car de grandes figures du crime organisé se portaient garantes de son intégrité. » Ce matériel possède des capacités volontairement modestes, ne permettant que d’envoyer textes ou simples messages vocaux. En revanche, pas de géolocalisation possible ni de véritables discussions ou de consultation de boîtes mail. Plus rudimentaire, on ne fait pas. Alors, où pouvait bien se nicher la faille ?

Remontons quelques années en arrière, quand d’autres systèmes de communications cryptées, Sky Global ou Phantom Secure, ont les faveurs de ces criminels. Sauf que ces derniers ignorent que lesdits systèmes sont déjà piratés par un FBI qui ne tarde pas à discrètement communiquer sur le sujet. Il faut donc un système plus sûr. Là où les détails de la manipulation manquent encore, c’est qu’on ne sait si le même FBI a lui-même développé l’application ANoM ou s’il s’est contenté de secrètement s’y introduire. Quoi qu’il en soit, les services de police se sont personnellement chargés de la publicité d’ANoM. Bien vu !

Mieux : alors que les plates-formes Sky Global et Phantom Secure sont obligées de fermer - mauvaise réputation oblige -, le FBI développe un système concurrent d’ANoM, l’application Ciphr, tout en laissant fuiter que celle-là est très vulnérable. Ce qui crée un vide sur le marché, obligeant tout ce joli monde à se rabattre sur ANoM…

Car, pour rusés qu’ils soient, les criminels ne sont pas toujours malins, n’hésitant pas à frimer devant leurs confrères avec du matériel dernier cri. Décidément, le snobisme est un mal qui n’épargne personne, pas plus les honnêtes gens que les truands. Voilà qui devrait faire réfléchir sur un tout technologique de plus en plus envahissant.

Celui qui avait déjà vu le coup venir n’était autre qu’un certain Bernardo Provenzano, l’un des parrains de la Cosa Nostra, arrêté en 2006, après… quarante ans de cavale. Lui, du fond de sa planque, une modeste bergerie sise aux alentours de Corleone, se contentait de griffonner ses ordres sur de minuscules boulettes de papier. Pas de chance, il en oublie un jour une dans un costume envoyé chez le blanchisseur local. Lequel, en bon artisan consciencieux, fait les poches du vêtement avant nettoyage, découvre la boulette en question, la défroisse, la lit et la communique directement à la police.

Bernardo Provenzano sera arrêté dans la journée. Comme quoi mêmes les criminels les plus précautionneux ne sont jamais à l’abri d’une… boulette !

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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