Ce samedi a accumulé son flot d'informations sur les suites de ce qu'il faut bien appeler désormais - et ce, malgré la volonté de la famille - « l'affaire Steve », vu son écho dans l'opinion et les conséquences politiques qu'elle a déjà, notamment depuis l'intervention d'Édouard Philippe mardi.

Du point de vue de l'enquête, les juges nantais ont demandé leur dessaisissement, décision rare à ce stade, paraît-il. Leur demande sera examinée en septembre. Dans l'état actuel de méfiance vis-à-vis des institutions - Justice, police, État -, on voit mal comment cette requête pourrait être rejetée. Le gouvernement n'y a pas intérêt.

Quant à l'enquête parallèle, de nouveaux témoignages ont été publiés par Le Monde remettant à leur tour en cause la version officielle édictée par Édouard Philippe, mardi, avec le rapport de l'IGPN. Ce sont ceux des secouristes dépêchés sur les lieux, la nuit du drame. Ils parlent d'une ambiance festive normale, mais surtout d'une intervention policière disproportionnée et de scènes de chaos, de panique, causées par l'intervention policière et les grenades de désencerclement. Et de l'horreur des corps à l'eau, dérivant. Ils s'insurgent aussi devant les déformations qu'ont subies leurs témoignages dans le rapport de l'IGPN.

Surtout, des rassemblements de manifestants aux slogans clairement politiques et anti-policiers, type Black Blocs, ont eu lieu à Nantes, ce samedi. Les slogans ? « Révolution » et « Tout le monde déteste la police ». Les plus déterminés se sont approchés de la préfecture et certains ont tenté de s'y introduire. Ils ont été repoussés par des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Des barricades ont aussi été incendiées.

Le matin, un hommage pacifique avait été rendu au jeune homme sur les lieux de la fête et donc de sa mort, sur les quais.

L'évolution de cette affaire donne malheureusement raison à la famille du jeune homme qui, par la voix de son avocat, a dénoncé la récupération politique et les violences commises.

Dans Ouest-France, elle a des mots clairs et justes : « Leur deuil est abîmé par le fait que Steve devient un enjeu politique très fort. En effet, il y a ce matin [ce vendredi 2 août] la colère des proches en raison d’une forme de confiscation de la mémoire de Steve. Le mot confiscation est juste. Déjà, la vie de leur fils et frère leur est prise, à l’occasion d’une fête qui vire au cauchemar. Ensuite, leur deuil est abîmé par le fait que Steve devient un enjeu politique très fort. Les proches, ce qu’ils souhaitent dans un temps où les obsèques n’ont même pas eu lieu, c’est qu’on respecte au moins la mémoire de Steve. C’était vraiment un jeune homme particulièrement non violent et discret. Ils se sentent assez trahis par les appels à la violence dans ce contexte. Cette forme d’excitation à l’idée que ça va dégénérer fort, c’est très violent par rapport au chagrin dans lequel ils sont.
Ils ne souhaitent pas qu’il y ait de caractère public à leur deuil intime. Et c’est bien toute la difficulté de ce qui se passe actuellement. »

Devant une telle dignité, on ne peut que s'incliner. Cela n'enlève rien à la question brûlante des responsabilités. Mais cela devrait interpeller les manifestants et les groupuscules d'extrême gauche. Mais aussi le gouvernement, qui n'est pas exempt de toute critique dans ce domaine.

Cette affaire montre les limites et l'échec de la stratégie de maintien de l'ordre à l'œuvre depuis des mois. Le gouvernement ne s'en sortira pas et ne rétablira pas la confiance sans un changement de fond. Et un changement de tête.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/11/2019 à 14:28.

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03 août 2019 à 19:46

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