Retraites : les fausses concessions du Premier ministre

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Édouard Philippe vient de faire de fausses concessions pour apaiser la colère sociale. Car ce qu’une loi établit, une loi postérieure peut le défaire. La garantie donnée solennellement par le Premier ministre selon laquelle la valeur du point ne baissera pas et progressera autant que les salaires sera sans doute votée en 2020, mais elle n’est qu'un chiffon de papier.

Les retraites actuelles, en principe indexées par la loi sur l’inflation, sont désormais quasiment gelées au-dessus de 2.000 € et le resteront sans doute par la suite (sauf les années d’élections !). Toutes les pensions seront ramenées, à terme, à ce seuil d’un SMIC et demi au-dessus duquel nos aînés sont considérés comme « d’abominables » profiteurs.

La promesse de M. Philippe selon laquelle la transition pour les régimes spéciaux se fera en douceur n’est pas détaillée. Va-t-on accorder un délai de 5, 10 ou 20 ans ? Le gouvernement exige, en fait, qu’on lui donne un chèque en blanc sur ce point essentiel et les syndicats ont raison de se méfier.

Seule concession réelle obtenue, le décalage de la réforme qui ne concernerait que les Français nés après 1975 (au lieu de 1963). Mais rien ne dit qu’en 2027, après l’élection d’un nouveau Président, la réforme étant entrée dans les mœurs depuis cinq ans, on ne rabaissera pas ce seuil de 1975 à 1970 voire 1968 !

La deuxième concession importante mise en avant est encore plus illusoire : les droits acquis jusqu’au 1er janvier 2022 par le système actuel seraient maintenus ; la pension serait calculée en partie selon l’ancien mode et complétée par le nouveau mécanisme à points. Les premiers à partir selon ce système mixte (à ce moment-là, 50 % pour le nouveau, 50 % pour l’ancien système) le feront en théorie en 2037. D’ici là, un gouvernement, sous prétexte de simplification, basculera les droits acquis par l’ancien système dans le nouveau.

Le système mixte dévoilé par M. Philippe est bien trop compliqué pour être effectivement mis en œuvre. Sa seule fonction est de servir de leurre. Le gouvernement veut endormir les Français, apaiser la contestation, faire voter le cadre fondamental. Ses successeurs termineront le travail en démantelant les derniers restes de l’ancien système, tâche bien plus aisée que celle de M. Macron.

Les promesses de revalorisation des salaires des enseignants seraient risibles s’il ne s’agissait pas d’un problème aussi crucial. Elle est budgétairement impossible à tenir. La baisse avec le système à points étant, selon plusieurs experts, de 20 % minimum des pensions, le salaire moyen étant de 2.000 €, il faudrait donner 400 € de plus par mois à chacun des 850.000 enseignants, soit 10.000 € charges comprises par an, soit 8,5 milliards d’euros (somme calculée au plus juste). Avec les autres fonctionnaires, on doublerait cette somme, qui est bien au-delà de nos capacités budgétaires (dixit M. Macron). D’après des chiffres qui circuleraient, le gouvernement ne prévoirait que 400 millions (et encore...) sur 5 ans, soit une augmentation de 8 € par mois par enseignant ! Somme ridicule qui s’accompagnera, en outre, d’un gel du point d’indice (qui dure depuis 2010 !). Or, 1,5 % d’inflation annuelle ampute de 2,50 € par mois le salaire d’un professeur. M. Philippe n’a en rien infléchi son discours.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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