Rétablir nos comptes en cinq ans : Bruno Le Maire y croit-il lui-même ?

BRUNO LE MAIRE

Bruno Le Maire a pour lui le souci de la tenue de nos comptes publics et il a ébauché un plan de rétablissement qui court jusqu’en 2027 (à la fin du prochain quinquennat).

Selon le schéma esquissé par le ministre de l'Économie, la dette publique, qui a atteint le chiffre record de 115,7 % en 2020, monterait jusqu’à 118,3 % en 2025, avant de diminuer légèrement à 118,2 % en 2026 et de redescendre plus franchement à partir de 2027. La dette restera donc à un haut niveau. Or, les crises économiques suivant un cycle d’environ sept ans, le dernier coup de tabac qui n’est pas encore terminé ayant commencé en 2020, nous devons craindre, vers 2027-2029, une nouvelle dégradation de l’économie qui impactera des comptes à peine rétablis et une dette qui tutoiera les sommets.

Pour réussir cette « stabilisation », M. Le Maire prévoit, dans un premier temps, une croissance de 5 % en 2021, 4 % en 2022, 2,3 % en 2023, 1,5 % en 2024, avant 1,4 % par la suite. Cette hausse du PIB est essentielle pour le rétablissement de nos comptes, mais les prévisions ne sont-elles pas trop optimistes ? Les 5 % en 2021 seront-ils tenus alors que nous sommes à nouveau confinés et que nous ignorons quand les restrictions sanitaires (réouverture des magasins, des restaurants, des salles de spectacle) seront levées. Et sans vouloir jouer les Cassandre, on ne peut exclure qu’une quatrième vague de Covid s’abatte sur la France à l’automne 2021, désorganisant à nouveau l’économie. Les 4 % en 2022 sont également un pari : on perd facilement des pourcentages de PIB, on les récupère très difficilement. Les chiffres suivants sont plus réalistes, la France en temps ordinaire étant désormais engluée dans une croissance molle qui ne lui permet pas de rembourser ses dettes.

Pour rétablir les comptes, une meilleure croissance sera insuffisante. Il faudra également être rigoureux. Bruno Le Maire prévoit de ramener la hausse des dépenses à +0,7 % par an (hors dépenses d’urgence et de relance), contre 1 % entre 2017 et 2019 et 1,4 % dans la décennie 2010. L’effort demandé sera donc conséquent et difficile à tenir, les Français ayant tendance à demander toujours plus à leur gouvernement sans se soucier du financement. Entre les revalorisations catégorielles obtenues après des grèves, les lois de programmation militaire, les diverses aides sociales qui ne cessent d’enfler (en partie du fait d’une immigration mal contrôlée), les occasions de dépenses sont innombrables et la « rigueur » difficilement tenable.

M. Le Maire escompte également que la réforme des retraites sera appliquée après le retard dû à la pandémie. En effet, le trou entre les cotisations et les pensions versées ne cesse de se creuser, au point de frôler désormais les dix milliards en 2021. Il est urgent de rétablir l’équilibre, mais la potion amère sera-t-elle acceptée par les salariés ? On se souvient des grandes grèves de 2019, l’agitation risquant de reprendre dès que les restrictions sanitaires seront levées.

De toute façon, le ministre de l'Économie tire des plans sur la comète. En 2022, nous aurons l’élection présidentielle qui va rebattre les cartes. Même si M. Macron est réélu, il fera peut-être des promesses sonnantes et trébuchantes qui auront des conséquences sur l’équilibre du budget. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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