Quel bonheur pour nous après le Covid-19 ?
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Nous avons un instinct du bonheur. Selon Aristote, le bonheur est le but de la vue humaine. « Tous les hommes cherchent d’être heureux », disait de son côté Pascal (même ceux qui vont se pendre, ajoutait-il). Pour John Locke, « la plus haute perfection d’une nature raisonnable réside en la poursuite attentive et constante du bonheur authentique et ferme ». La cause est entendue. Le bonheur est souhaitable. Mais les leçons des Anciens sont oubliées. Nous avons confondu le bonheur avec le bien-être, et celui-ci avec le confort et l’abondance des biens de consommation. Il faut donc remettre le bonheur à l’endroit. De même que l’on distingue justement la liberté des Anciens, qui consiste à faire son devoir civique et à se bien comporter dans la cité, et la liberté des Modernes, qui consiste à faire ce que l’on veut, sous réserve de ne pas nuire à autrui, sans la moindre prise en compte d’une éthique commune, il faut distinguer le bonheur des Anciens (eudaimonia) et le bonheur des Modernes. Le premier est la recherche d’une félicité dans la sobriété, le second est le culte du toujours plus.
La crise du Covid-19 nous fait-elle sortir de la conception moderne du bonheur ? Rien n’est moins sûr. Bien entendu, cette crise a montré l’absurdité de la mondialisation. Mais bien d’autres indices la faisaient apparaître, à qui sait voir, et veut voir, comme ce qu’elle est : une prison des peuples, une aliénation de la liberté des hommes. Disons qu’elle a montré spectaculairement les faiblesses d’une économie mondialisée à la recherche de toujours plus de croissance. Nous avons à profusion des téléphones portables, nous n’avions pas de masques, qui ne sont pourtant pas des produits de haute technologie. Mais la réponse au Covid-19 ne traite pas une seconde les problèmes à la racine. Notamment en France, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sont les grands gagnants de la réponse étriquée donnée par un Macron à la crise, à moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie délibérée - ce qui n’est nullement exclu.
La fermeture des petits commerces, par exemple des librairies, jugées « non essentielles », tandis que les rayons télévision des grandes surfaces sont restées généreusement approvisionnés en dit long sur ce que nos « élites » considèrent comme « essentiel ». C’est, somme toute, assez simple : c’est ce qui rapporte aux grands groupes proches du pouvoir, ceux qui ont coproduit le phénomène Macron. De même, les faillites de nombre de PME sont tout bénéfice pour les grands groupes qui n’auront plus qu’à ramasser les acquis technologiques qui les intéressent et seront plus encore en situation dominante face à un monde du travail « éparpillé, façon puzzle ».
Tout cela nous dit très bien ce qu’est la réalité du bonheur moderne, du bonheur consumériste, de ce que Jean Baudrillard appelait, dès les années 60, « le système des objets ». La réalité du bonheur moderne, c’est toujours plus d’objets plus rapidement périssables. C’est aussi une « paupérisation psychologique ». C’est un appauvrissement de la vie personnelle, de la vie relationnelle, qui en est le cœur, maintenant aggravée par le masque généralisé de manière paranoïaque, par les excès de la distanciation sociale et par la volonté, réaffirmée par Macron, de numériser toujours plus l’économie, c’est-à-dire de digitaliser la vie humaine et de la dématérialiser.
C’est, en vérité, à un défi de civilisation que nous sommes confrontés avec la crise du Covid-19 : encore plus de « bonheur moderne », faisant de nous les esclaves de la Grande machine numérique censée nous « protéger », ou le recours au bonheur ancien, celui du local, celui des peuples et des hommes différenciés. Nous sommes au carrefour.
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