Général Bertrand Soubelet, sur la rave-party clandestine : « L’État n’est aujourd’hui pas en mesure de faire respecter l’ordre et les décisions qu’il prend »
Réaction du général Bertrand Soubelet.
Comment qualifieriez-vous cette « rave-party », autrement dit fête clandestine, à Lieuron (Ille-et-Vilaine), qui a rassemblé pendant plusieurs jours plus de 2.000 personnes alors que la France est sous couvre-feu ?
Ce rassemblement n'était pas autorisé puisque l'ensemble du territoire était placé sous le régime du couvre feu.
Cette manifestation est une désobéissance délibérée aux consignes qui ont été majoritairement respectées dans toute la France. Une fête d'une telle ampleur est quasiment une provocation au moment où, dans les hôpitaux, des Français malades luttent pour survivre à cette épidémie grâce à la mobilisation du personnel soignant depuis de nombreux mois.
Cela confirme que certains de nos compatriotes sont totalement étrangers aux règles collectives et n'hésitent pas à mettre la vie des autres en danger par bravade, par inconscience ou par provocation.
Nous n'avons plus, en France, de creuset qui permette d'inculquer aux jeunes générations ce souci de la collectivité et du respect des règles, puisque l'Éducation nationale n'est pas en capacité de le faire et que le service national n'existe plus.
Selon vous, un tel rassemblement aurait-il pu être évité ? Comment ? Y a-t-il eu des manquements, des dysfonctionnements ? À quel niveau ?
Il est difficile de livrer des commentaires précis sur cet épisode sans disposer de tous les éléments d'information.
Cependant, par expérience, de tels rassemblements peuvent être décelés précocement, notamment au moment où les premiers véhicules « inhabituels » se présentent avec l'installation du matériel. Car des « sound systems » et des générateurs, ça se voit. Une circulation importante dans un village de 789 habitants ne doit pas passer inaperçue, d'autant que le site n'était pas isolé.
L'information a donc forcément été connue localement. Est-elle remontée vers la gendarmerie et la préfecture ? Je n'en sais rien, mais quoi qu'il en soit, les décisions d'évacuation doivent être prises très tôt avant l'arrivée de tous les participants. Avec la mobilisation des seuls moyens locaux de la gendarmerie, il faut prendre des mesures immédiates avant la concentration de plusieurs centaines de personnes.
Dès lors que le nombre de participants dépasse ce seuil, des moyens plus conséquents sont nécessaires pour entreprendre une action organisée et sécurisée. Tout se situe donc dans l'analyse de la situation et dans la rapidité de décision. Et, dans ce cas précis, on peut s’interroger sur la pertinence de l'analyse et l'existence d'une prise de décision.
Les autorités communiquent, ce 2 janvier, sur le nombre important de verbalisations (1.200), de procédures judiciaires qui vont être ouvertes. Force est donc à la loi, finalement ?
Cette communication est une manière de ne pas parler des dysfonctionnements et de pas avouer son impuissance. Quand on n'est pas capable de faire respecter le couvre-feu et l'application des règles sanitaires pendant 48 heures, on pavoise sur les résultats que l'on espère obtenir après coup. Car combien de procédures judiciaires iront à leur terme et combien d'amendes seront réellement payées ?
Tout cela n'est pas sérieux et les Français ne sont pas dupes. Cet épisode est symbolique de la manière dont les lois sont appliquées dans notre pays. Finalement, seuls les honnêtes citoyens doivent craindre la sanction, car tous ceux qui ne respectent rien ne sont, hélas, pas souvent inquiétés.
L'État n'est aujourd'hui pas en mesure de faire respecter l'ordre et les décisions qu'il prend. Pour deux raisons. D'une part parce que, malgré ses coups de menton, il se montre faible, son autorité étant régulièrement bafouée par des fauteurs de troubles ou des marginaux. D'autre part en raison des dysfonctionnements du système marqué par la défiance de ceux qui, sur le terrain, pourraient prendre des initiatives utiles pour la sécurité des Français. Ils préfèrent parfois s'abstenir, de peur d'être désavoués, voire mis en cause en raison des images ou des conséquences physiques qui pourraient survenir.
Les forces de sécurité ne donnent la pleine mesure de ce qu'elles savent faire que lorsqu'elles ont la certitude d'être protégées et soutenues par l'exécutif.
Cela fait longtemps que cette certitude a disparu dans notre pays.
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