La saga 007 est la plus ancienne du septième art, depuis 1962, avec James Bond 007 contre Dr No, de Terence Young. Et qui remonte même à 1954, si l’on prend en compte le Casino Royale, téléfilm réalisé par William H. Brown Jr, avec Barry Nelson dans le rôle de l’agent préféré de Sa Très Gracieuse Majesté. Dans quelques semaines sortira le prochain opus de la série, Mourir peut attendre, de Cary Joji Fukunaga, avec Daniel Craig et sa tête de tueur du KGB, l’occasion de se poser à la fois actualité et pertinence du phénomène.

En effet, James Bond est aujourd’hui une sorte de pithécanthrope, même si assagi depuis quelques décennies : il a arrêté de fumer et ne gifle plus les jolies agentes du SMERSH soviétique avant de les emmener, très vaguement forcées, plus vers le septième ciel que les lendemains qui chantent. Pareillement, son régime alimentaire est une aberration, à en juger des canons hygiénistes de l’époque : fois gras et caviar, arrosés de champagne et de vodka-Martini. Ce qui est très bon, comme tout ce qui est mauvais pour la santé.

De même, « Jaaaammmes », comme roucoule sa secrétaire enamourée, Miss Moneypenny, persiste à pourchasser les ennemis de la civilisation en Aston Martin – bolide dont le bilan carbone doit avoir de quoi pousser Greta Thunberg à l’AVC précoce – plutôt qu’en trottinette électrique. Bref, l’agent 007 n’est pas connu pour ses gestes écocitoyens en faveur de la planète.

Un temps (modernité oblige), il fut question de remplacer Daniel Craig par Idris Elba. Lequel, un peu dépassé par la polémique, a fini par convenir : « Je n’ai jamais déclaré que je voulais être le James Bond noir. » Après tout, a-t-on jamais demandé à Roger Moore de reprendre le rôle de Shaft, le détective fort à bras de Harlem si bien campé par Richard Roundtree, sur fond musical de l’immense Isaac Hayes ? Et Omar Sy dans le rôle de Vercingétorix ou Michel Blanc dans celui de Nelson Mandela ?

Ensuite, jusqu’où aller dans la tyrannie de l’air du temps ? Un James Bond féminin ou transgenre, qui décanillerait du terroriste à grands coups de Louboutin et qui, à défaut de faire parler la poudre, se battrait à grands coups de poudrier, au service de la drag queen de Buckingham Palace ?

À l’occasion d’un numéro hors-série du Point consacré à la geste du héros jadis créé par Ian Fleming, assez emblématique du mâle alpha, tel que dit chez les féministes d’avant-garde, le bondophile Jean-Philippe Costes admet : « James Bond est un personnage transgressif et cathartique. Transgressif car il a le permis de tuer. Il commet tous les péchés capitaux, et c’est notamment vrai dans son rapport au sexe féminin. C’est pour cela qu’on l’aime. Si vous privez le personnage de son aspect transgressif, vous le privez de sa vertu cathartique, c’est-à-dire de tout ce que l’on peut faire à travers lui : rouler vite, boire trop, avoir des aventures avec des mannequins. Si les producteurs veulent maintenir le mythe en vie, ils ne peuvent pas lui ôter son côté transgressif. C’est aussi vrai dans l’art en général et dans la vie. Si James Bond est lisse, s’il n’a pas d’aspérités, on ne peut pas s’agripper à lui. Vous aurez mère Teresa en smoking. L’idiotie serait de trop vouloir être dans l’air du temps, ce qui tuerait la poule aux œufs d’or. »

Voilà qui est bien dit, et nous y voilà, justement. Comme si le système dominant nous abandonnait, en guise d’os à ronger, un personnage muséifié, réceptacle de fantasmes désormais interdits mais qui, naguère, étaient une sorte de norme pour tous les hommes à peu près normalement constitués. La prochaine étape devrait donc consister à interdire aux toutes jeunes filles de rêver à des princesses Barbie et d’épouser un jour un Ken. Remarquez, le processus a déjà été enclenché, avec poupées multiraciales, bisexuelles et dont certaines doivent même faire de la pole dance en fauteuil roulant.

Oh, le joli monde que l’on nous prépare. 007, au secours !

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21 février 2020 à 14:49

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