Quand Yassine Belattar compare Obertone à Drumont…

Yassine Belattar était l’invité du Média, un organe de presse de gauche. Belattar est écouté partout, y compris à l’Élysée. Il est passé, en quelques années, du statut d’amuseur parisien (sur Radio Nova) à celui de visiteur du soir. Sur ce média, donc, notre moderne Jacques Attali développait sa pensée sur l’extrême droite, et plus précisément sur la dérive supposément droitière de BFM TV.

La chaîne d’info, jadis leader de son créneau, est à vendre. Elle dégringole dans les audiences, tandis que CNews, la chaîne des sales fachos, n’en finit pas de grimper. À croire que les Français n’ont toujours rien compris aux délices du vivre ensemble. Alors, parce qu’il faut bien vivre, BFM TV commence à inviter des gens marqués très à droite : la talentueuse Juliette Briens ou, plus récemment, Laurent Obertone, célèbre auteur de La France Orange mécanique (La Mécanique générale), qui fut longtemps sur le podium des ventes du site Amazon.

Pour Yassine Belattar, humoriste et conseiller du président, "La France Orange mécanique n'a rien à envier à La France juive qui a inspiré Hitler".
Z'allez voir qu'après cette fine sortie même les mélenchonistes vont se mettre à me lire... https://t.co/hmbnSNOdWz

— Laurent Obertone (@LaurentObertone) December 9, 2023

C’est justement cette intervention d’Obertone qui semble poser problème à Yassine Belattar. Évidemment, il commence par revenir sur les bienfaits de la censure (le « cordon sanitaire », entre autres) : on est à gauche, après tout. Son souhait de « ne pas parler avec l’extrême droite », voire de ne pas l’inviter, rappelle les propos de Geoffroy de Lagasnerie, sur France Inter. Ce qui le gêne, par ailleurs, c’est aussi que les mots de l’extrême droite s’immiscent dans le débat. Un exemple : le « Grand Remplacement » qui est évidemment, selon lui, une théorie complotiste. Le livre de Laurent Obertone, « dégueulasse », forcément, lui évoque un autre ouvrage : La France juive, de Drumont, un célèbre pamphlet antisémite de la fin du XIX^e siècle, qui avait « inspiré Hitler ». On franchit le point Godwin dans les trente premières secondes. Une justification ? Un argument à l’appui ? Pensez donc ! Tout ce que l’on saura de ce livre qui est « de la merde », c’est qu’il décrit « une France fantasmée où il y aurait des affrontements ».

Le « Grand Remplacement est statistiquement impossible »

En effet, un tel bilan, un tel constat, bien que le livre d’Obertone soit très précisément sourcé et documenté, ne peuvent être que du pur délire. En France, on le sait, il n’y a pas de racisme anti-Blanc, les coups de couteau et les viols ne sont jamais commis par des extra-Européens à l’encontre des populations de souche, et tout le monde vit ensemble (« le groupe vit bien », comme on dit sur les réseaux sociaux). On apprend, par ailleurs, que le « Grand Remplacement est statistiquement impossible ». On ne saura pas pourquoi, on ne lira pas les statistiques (et pour cause). On est prié de croire Yassine Belattar sur parole, ce qui lui permet de terminer, sans avoir été interrompu une seule fois, par un exercice de pleurniche désormais parfaitement rodé : non seulement il n’y a pas de Grand Remplacement, mais il y a toujours de l’oppression. Le fait que Jack Lang, par exemple, soit à la tête de l’Institut du monde arabe, relève ainsi d’une appropriation culturelle qui est « de la provocation ».

Décidément, les penseurs du calibre de monsieur Belattar n’ont littéralement que deux idées : la violence et la victimisation. Ils passent de l’une à l’autre en permanence, et parfois dans la même phrase. On ajoute à ça une inculture totale (Belattar a-t-il lu Drumont ?), car, à part les deux premiers mots du titre, il n’y a aucun rapport entre ces deux ouvrages, et on tient alors le cocktail gagnant. Pas besoin de penser : il suffit d’agresser puis de pleurnicher, ou l’inverse, tout ça sans une seule citation, sans un seul chiffre, sans un seul véritable argument. Cette France-là n’est peut-être pas « Orange », mais elle est, intellectuellement, mécanique sans aucun doute.

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