Fin juin 2018, à Morlaix (Finistère), une femme de 47 ans est transportée d’urgence à l’hôpital, après avoir été rouée de coups et le visage entaillé par un verre cassé. Motif de la dispute ? D’après Le Télégramme, une cigarette… Les deux agresseurs, originaires de la cité du Viaduc, déjà connus des services de police, ont été appréhendés. L’auteur principal des coups sortait de prison. La victime devrait garder des séquelles physiques.

Mardi 26 juin 2018, à Cormeilles-en-Parisis, dans le Val-d’Oise. Un homme d'une trentaine d'années, alors qu’il fume dans la rue, est accosté par deux hommes qui lui demandent une cigarette. Suite à son refus, il est roué de coups et reçoit un coup de couteau dans la cuisse. Gisant sur le sol, la victime est repérée par un témoin qui donne l'alerte ; son pronostic vital est engagé.

Dans la nuit du mercredi 20 juin au jeudi 21 juin 2018, dans le quartier Saouzelong à Toulouse, une personne est grièvement blessée à coups de couteaux à quelques mètres de la station de métro, cela, suite au refus de donner une cigarette. L’auteur est en fuite.

De tels exemples sont légion. Ainsi, de manière plus ancienne :

Le 1er juin 2017, à Lyon, un homme est poignardé dans la nuit. Il aurait été agressé après avoir refusé une cigarette à un individu.

En mai 2011, à Bollène (Vaucluse), Thierry Simon rentre du travail au volant de sa voiture ; trois jeunes qu’il ne connaît pas, prétextant une envie de fumer, lui demandent une cigarette ; une altercation s’ensuit ; le quadragénaire s’écroule ; les agresseurs s’empressent de prendre la fuite. Il décède à l’hôpital. Kader Chali, le meurtrier, est condamné à huit ans de prison.

En juillet 2004, Romain, 15 ans, est tué à Avignon à coups de hachette pour avoir refusé d'offrir une cigarette. Le procès a lieu en mai 2006. Hamadi Ed-Debch, un Marocain de 21 ans, est condamné à 25 ans de prison.

Le 26 février 2011, dans le quartier Saint-Michel à Toulouse, Jérémy Roze, un étudiant en pharmacie de 27 ans, est tué d'un coup de couteau porté dans le thorax au cours d’une dispute avec trois individus. Une amie d'un de celui qui a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en appel - il a fait un pourvoi en cassation -, Hicham Ouakki, témoignera en 2013 devant la cour d'assises de Toulouse. Celui-ci lui avait indiqué que tout était parti du refus d’une cigarette.

Posons-nous la question : pourquoi une demande banale entraîne-t-elle des actes aussi graves ?
Parce que plus qu’un souhait, le racket à la cigarette est une exigence, un processus d'escalade. Un individu est abordé de manière impromptue sur la voie publique ou dans un lieu clos par un jeune qui lui demande une cigarette. En réalité, ce n'est qu'un prétexte pour entrer en contact avec lui et le provoquer. Le but est d'humilier l'autre en le contraignant à donner la cigarette contre son gré. Le refus ou l'impossibilité de satisfaire la demande est considéré comme une "injure" qui mérite un châtiment immédiat. Ces agresseurs confondent respect et crainte, revendiquant intuitivement le droit d'être "respectés" par des gens d’une société ou d’un pays qu’ils méprisent. Plus ces provocateurs sont jeunes, plus ils jouent facilement avec leur vie ou avec celle des autres par insouciance ou bravade. Hélas, la Justice, lors de telles « rencontres », tient souvent compte de la banalité de l’action de départ sans véritablement se poser de questions sur le symbolisme subversif du processus, ce qui ne fait qu’accroître le nombre de ce genre de cas.

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02 juillet 2018 à 16:20

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