Figure de proue du nouveau gouvernement italien, Matteo Salvini s’est rendu en Libye le 25 juin dernier, deux jours avant le sommet de l’Union européenne portant sur la question migratoire. En raison du chaos régnant dans le pays depuis la chute du régime de Kadhafi, la Libye est devenue une plaque tournante pour des centaines de milliers de migrants d’Afrique subsaharienne. Une situation à laquelle pourrait mettre fin le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen.

La solution à la question des migrants passe par la Libye.

Depuis des années, l’Italie est en première ligne pour la gestion des flux migratoires provenant d’Afrique subsaharienne. Son nouveau ministre de l’Intérieur, que l’on ne présente plus, a défendu à Tripoli puis à Bruxelles la création de "centres d’accueil et d’identification des migrants" implantés directement au sud de la Libye. Une manière de juguler ces migrations et de limiter l’appel d’air.

Mais le dernier sommet européen n’a rien réglé, et la question reste en suspens. En effet, la création de tels centres sur le territoire libyen suppose un État stable, capable de négocier avec les Européens et de gérer le pays.

Pour l’instant, 181.000 migrants ont pu atteindre les côtes italiennes en 2016, profitant de la désintégration de l’appareil sécuritaire de la Libye, déchirée depuis 2011 par des luttes d’influence entre les nombreuses milices et les dizaines de tribus. Sur le plan politique, le Gouvernement d’union nationale (issu d’un accord parrainé par l’ONU fin 2015) est basé à Tripoli, tandis qu’une autorité rivale s’est installée dans l’est du pays, contrôlé en grande partie par les forces du maréchal Khalifa Haftar. Dans cet imbroglio, qui soutenir ?

Le maréchal Haftar, l’homme fort que doit soutenir l’Europe.

Le 28 juin dernier, le maréchal Haftar annonce que la ville de Derna, dernier bastion des islamistes radicaux, avait été libérée. Personnalité complexe de 74 ans, Khalifa Haftar est parvenu, après trois ans de combat, à éradiquer les milices islamistes en Cyrénaïque, notamment dans la tristement célèbre citée de Benghazi. Proclamé maréchal en 2016 par le Parlement de Tobrouk, cet homme ayant comme modèle le maréchal Sissi et le général de Gaulle contrôle aujourd’hui toute la moitié est du territoire libyen, dont le croissant pétrolier, poumon économique du pays. Cette manne financière lui permet d’avoir sous ses ordres des troupes conséquentes avec infanterie, aviation et une (petite) marine. Il peut, par ailleurs, compter sur le soutien de l’Égypte, des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite et de la Russie.

L’autre moitié du pays est contrôlée, avec plus ou moins de difficultés, par le Gouvernement d’union nationale et son président Fayez el-Sarraj. Mais ce gouvernement de Tripoli, concurrent du pouvoir du maréchal Haftar, est tenu à bout de bras politiquement et financièrement par la communauté internationale. Ses forces sont limitées : quelques milliers de miliciens, à la fidélité chancelante.

Pour l’Europe, le maréchal Haftar est donc l’homme du moindre mal qui pourra monnayer l’arrêt de l’immigration sauvage. Pour le moment, l’Italie a obtenu de celui-ci l’autorisation de porter assistance aux garde-côtes libyens pour contrôler les eaux territoriales, ce que la mission Sophia mise en place par l’Union européenne n’était pas parvenue à faire.

Alors que des élections présidentielles et législatives sont prévues en décembre prochain, Khalifa Haftar semble être le seul espoir de la Libye pour se sortir de la tourmente et retrouver une stabilité perdue depuis sept ans. Une stabilité musclée qui sera en mesure de faire obstacle aux trafics d’êtres humains convergeant vers les rivages du Vieux Continent.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:43.

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10 juillet 2018 à 17:23

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