Pour gouverner, les Français rejettent un scénario à l’italienne, pas une alliance à la française

Marine le Pen Salvini

Selon un sondage IFOP publié dans le JDD, 82 % des Français rejettent un scénario à l'italienne : une alliance entre le Rassemblement national et La France insoumise. Chez les électeurs de Marine Le Pen, en 2017, 47 % seraient favorables à ce rapprochement ; chez les Insoumis, ils ne sont que 13 %. Pour expliquer ce rejet, il faut tenir compte du fait que la situation n'est pas la même en Italie et en France, où la question d'une alliance de gouvernement ne se pose pas actuellement. Mais une union entre le RN et la droite qui ne renie pas ses valeurs serait possible, pour peu que chacun y mette du sien.

Un rapprochement avec La France insoumise, du moins avec une partie de son électorat, était envisagé par Marine Le Pen, avant les présidentielles. C'était aussi un objectif de Florian Philippot, avant qu'il ne fît cavalier seul, en emportant dans ses bagages le mandat européen qu'il avait acquis sur une liste FN. Entre les deux tours, elle fit des appels du pied en direction des électeurs de Mélenchon. Mais peu d'entre eux y répondirent dans le secret de l'isoloir.

Sans doute existe-t-il des convergences sociales entre les deux électorats – leur popularité auprès des gilets jaunes en témoigne –, voire politiques, comme sur le mode de scrutin à la proportionnelle ou le référendum d'initiative populaire. Mais trop de divergences les séparent sur les questions migratoires. L'extrême gauche, internationaliste par nature, exerce une forte influence sur La France insoumise, avec ses courants « gauchistes », « communautaristes », voire « indigénistes », comme le souligne Marine Le Pen dans le dernier numéro de Valeurs actuelles.

Jean-Luc Mélenchon, si ses talents de tribun sont reconnus – surtout pour le spectacle qu'il donne –, inquiète 48 % des sondés par ses excès d'humeur et certaines de ses positions révolutionnaires, peu crédibles au demeurant, chez un homme qui a acquis une longue expérience dans la politique traditionnelle. Si, avec les plus « modérés » des Insoumis (tout est relatif), il assouplissait ses positions sur la politique migratoire, des passerelles pourraient se créer entre une partie de son électorat et celui du Rassemblement national.

Dans le même article de Valeurs actuelles, Marine Le Pen se définit comme "nationale-républicaine". Nationale, parce qu'elle pense que "la nation, les frontières, la protection, l'identité, l'histoire sont des éléments essentiels du bonheur des peuples". Voilà qui devrait la rapprocher de l'électorat de la droite que Laurent Wauquiez courtise en paroles sans arriver à convaincre de sa totale sincérité. Deux personnalités LR, Thierry Mariani et Jean-Paul Garraud, ont rejoint le Rassemblement national. De mauvaises langues prétendent qu'ils ont acheté leur ralliement au prix d'un siège de député européen, mais force est de constater, si l'on est objectif, qu'ils sont restés plus fidèles à leurs idées que bien des cadres de leur ancien parti.

Si une grande alliance doit se former, dans l'avenir, avec le Rassemblement national, sans exclure les souverainistes de gauche, c'est avec une partie de la droite qu'elle peut se réaliser. Cela suppose qu'on fasse, de part et d'autre, quelques concessions et que tous préfèrent mettre en avant les convictions qu'ils ont en commun plutôt que leurs intérêts personnels ou ceux de leur parti. Bref, qu'ils fassent de la politique au sens noble du terme. Des personnalités comme Marion Maréchal pourraient tenir un rôle important dans le rapprochement entre tous les Français qui croient, d'abord, à la France et à sa souveraineté.

On ne parlerait plus, alors, de « scénario à l'italienne » mais d'« alliance à la française », qui pourrait obtenir, au-delà des partis, l'adhésion de tous ceux qui aiment la France.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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