[Point de vue] Menace nucléaire russe : chantage, bluff ou avertissement ciblé ?

nucléaire-explosion-356108_960_720

Comment savoir ce qui se passe réellement en Ukraine ? Quelles sont les intentions de Vladimir Poutine ? Quels sont les objectifs des Américains ? Bien difficile d’y voir clair alors que l’on agite au-dessus de nous la menace d’une conflagration nucléaire.

Il y a, pour commencer, le « brouillard de guerre » clausewitzien qui renvoie à l'incertitude des belligérants eux-mêmes face aux intentions, positions et capacités de leur adversaire. Mais il y a surtout les nuages de fumée de la guerre de l'information destinés à masquer ou déformer la réalité. Les opinions publiques constituent, en effet, un enjeu prioritaire, notamment pour Kiev qui dépend du bon vouloir des Occidentaux.

La présentation de la contre-offensive qui a débuté fin août en est un exemple. Les gains territoriaux obtenus à l’est par les Ukrainiens, dans la région de Kharkov, ont masqué l’absence de résultats significatifs dans le sud, dans la région de Kherson. Le « narratif », repris en boucle par nos médias, était pourtant celui d’une armée ukrainienne ayant repris l’initiative et bousculant une armée russe en déroute. Dans les colonnes de Libération, le 11 septembre dernier, l’historien et ancien officier Michel Goya pointait les « faiblesses criantes » et la « débâcle » de l’armée russe » et ouvrait la perspective d’une « reprise totale du territoire » par Kiev.

Il faut bien comprendre que sans cette perspective, il deviendrait difficile de continuer à justifier le maintien d’une aide occidentale massive et la poursuite de la guerre. Raison pour laquelle une victoire tactique audacieuse a été présentée comme le signe indubitable d’une victoire stratégique à venir.

Cette contre-offensive, jusqu’à preuve du contraire, a surtout, une nouvelle fois, témoigné des limites de chaque adversaire. Du côté de Kharkov, les gains territoriaux de Kiev ont surtout révélé le manque d’effectifs russes et leur incapacité à tenir la totalité de la ligne de front. Dans le même temps, les Russes ont aussi démontré leur capacité à se repositionner et à contenir l’élan ukrainien. Il fallait donc nuancer l’idée de « débâcle ».

Du côté de Kherson, là où les Russes s’étaient regroupés, les Ukrainiens se sont heurtés à une forte résistance et ils n’ont pas réussi à obtenir de succès équivalent. La presse américaine a été beaucoup plus objective sur la réalité de la situation. Le Washington Post, le 7 septembre dernier, évoquait « le lourd bilan de l'offensive » et recueillait des témoignages de soldats ukrainiens qui reconnaissaient ne pas avoir l'artillerie nécessaire pour déloger les forces russes retranchées et le « fossé technologique béant avec leurs adversaires mieux équipés ». Il fallait donc, là encore, ne pas vendre trop vite la peau de l’ours russe.

Trois semaines plus tard, Kiev tente de reprendre Lyman, à l'extrémité ouest du Donbass, alors que les Russes menacent de s’emparer de la ville de Bakhmout. « Les troupes ukrainiennes retranchées autour de la ville sont épuisées et sont attaquées de l'est et du sud. Elles ont subi un flux constant de victimes et de pertes de véhicules », indiquait le New York Times, le 26 septembre dernier, qui observait, au même moment, l’arrivée de renforts russes.

Nous voilà bien loin du récit qui nous est assené depuis plusieurs semaines. Mais c’est justement cette incapacité des belligérants à faire la différence qui rend la situation extrêmement dangereuse. Paradoxalement, on peut penser que le récent succès ukrainien a été à la fois un très gros problème pour Vladimir Poutine et une formidable chance. Le choc psychologique de la population a permis de faire monter d’un cran l’engagement russe en débloquant la difficulté initiale du manque d’effectifs avec la mobilisation partielle.

Du côté de Kiev, le succès a également été utilisé pour tenter de monter d’un cran en s’efforçant de convaincre les Américains d’aller plus loin dans leur engagement en fournissant des armes de longue portée susceptibles d’atteindre le territoire russe en profondeur.

C’est à partir de ce contexte qu’il faut relire la séquence sur la menace nucléaire russe. Le « narratif » médiatique nous présente un Vladimir Poutine acculé et, poussé au désespoir, prêt à jeter une bombe atomique sur le premier venu. La réalité est, probablement, plus complexe. Les Russes ont surtout lancé un avertissement aux Américains. Les armes de longue portée constituent pour eux une ligne rouge. « Nous essayons d'éviter la Troisième Guerre mondiale », rappellerait souvent Joe Biden à ses collaborateurs, d’après le New York Times. Jusqu’à quand ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 29/09/2022 à 20:07.
Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Jusqu’à présent, les seuls qui ont utilisé l’arme nucléaire sont les américains : 2 fois à 3 jours d’intervalle au Japon. Les seuls qui ont envoyé des missiles au alentours d’une centrale nucléaire ce sont encore les américains via l’Otan en Ukraine. Attention, les américains ne reculent devant rien pour imposer leur hégémonie. Leur business est de détruite pour reconstruire. Les européens feraient mieux de prendre leur distance car la riposte russe ne nous fera pas de cadeau et nous anéantira. Les américains font monter la pression (sabotage des oléoducs) et l’UE fait croire que ce sont les russes. L’occident est vraiment à fuir.

  2. La réponse est simple : la menace est certaine, le Russie est la première puissance nucléaire et a trop à perdre comme un fauve cerné, la menace est graduée : la bombe tactique à l’échelle du régiment, AZOF par exemple, que personne ne va pleurer, la menace concerne d’abord l’Europe qui n’a rien à gagner alors que Zelensky semble être un agent Américain, la menace sourde de nos amis et alliés Anglo Saxons se précise au fil du temps (dixit Mitterand). Conclusions, le risque est trop important : plus d’aide militaire à l’Ukraine que rien ne motive sérieusement, sauf à aller également en Arménie et au Yemen, allégement des sanctions pour obtenir du gaz Russe, sauf qu’un gazoduc est hors service, mais pourquoi donc ?

  3. La réponse est simple : la menace est certaine, le Russie est la première puissance nucléaire et a trop à perdre comme une f, la menace est graduée : la bombe tactique à l’échelle du régiment, AZOF par exemple, que personne ne va pleurer, La Russie a trop à perdre, comme un fauve cernée, la menace concerne d’abord l’Europe qui n’a rien à gagner,

  4. Encore une fois, les USA et la Russie s’affrontent par pays interposés. Via l’Azerbaïdjan qui attaque l’Arménie avec des armes OTAN d’un côté, et avec la Russie qui attaque l’Ukraine pour maîtriser son marché gazier de l’autre.
    l’Europe et le sud de l’Asie seront donc les champs de bataille de cet affrontement un peu lâche.
    Pour finir, j’emprunterai les mots d’Albert Einstein : « j’ignore avec quelles armes se fera la troisième guerre mondiale, mais une chose est sûre, la quatrième se fera avec des pierres et des bouts de bois ».

  5. Notre seul atout, c’est que la Russie serait la première « bénéficiaire » des retombées radioactives éventuelles. Il faudrait dès les premières heures confiner Moscou et y distribuer des tablettes d’iode en attendant que les nuages radioactifs fassent le tour de la planète toutes les deux à trois semaines. Heureusement pour nous, la terre tourne d’est en ouest.

  6. Je ne sais pas si c est réel ou du bluff, ce que je sais c est que la jeunesse européenne reste impassible alors qu elle devrait manifester en masse tous les jours pour que cesse les hostilités que les américains attisent pour acculer Poutine à l acte irréversible, le but des mondialistes n est il pas clairement affiché, réduire la population mondiale à tous prix , ça ne va pas assez vite avec leurs virus et vaccins

    • Lorsque l’on cherche des infos, hors mainstream, en direct des population Russes et Ukrainiennes (ce qui est relativement simple de nos jour), une partie du plan américain apparaît : isoler la Russie et la fractionner, et dans le même temps détruire l’UE avec l’émigration entre autre mais surtout avec la complicité de certains de ses dirigeants. Diviser pour régner la bonne vieille méthode reste d’actualité. Sauf que les peuples commencent à comprendre et ne semblent pas d’accord et c’est peut être là le gros hic dru plan américain. La comédie Nord Stream pourrait ouvrir un peu plus les yeux des peuples.

      • On leur a fait tellement de « lavage de cerveau » que je ne sais pas s’ils comprennent encore quelque chose. Regardez les chaînes d’infos nationales! C’est de la désinformation. Tous aux ordres de jupiter (avec un tout petit j) Tous les sujets sensibles arrivent en même temps, organisés par notre grand chef d’orchestre : 8ème vague de covid, retraites, gaz, électricité, Ukraine, menace nucléaire, inflation et tout cela pour provoquer une confusion générale. Le vilain Poutine, la police qui tue, les immigrés dans nos campagnes. Avouez qu’il y a de quoi perdre la tête et ne plus savoir où on en est. Merci les US.

  7. Il y a peu de différences entre le pyromane et le pompier réalisant un contre-feu . Biden , bras d’Obama à Kiev , a soufflé sur les braises slaves pour créer cette guerre civile qui ne nous regarde que de loin . L’Amérique est actuellement le grand gagnant de cette guerre la rapprochant des frontières de Russie et lui permettant de vendre son gaz-de-schiste dont les Ecolos ne parlent plus depuis 6 mois , pas plus que de l’anthracite que brûlent les Allemands parce que nous ne pouvons plus leur livrer des KWH que nous n’avons pas voulu fabriquer .

  8. A Kharkov, les Ukrainiens ont « regagné » un territoire dont les Russes s’étaient repliés pour regrouper leurs forces à la défense du Donbass, quant à l’arme atomique, je pense que Poutine n’est pas idiot à ce point, par contre il utilisera ses armes hypersoniques contre lesquels les occidentaux ne peuvent rien.

  9. Pour ceux qui ont pu voir le discours hystérique de Macron à l’ONU il n’y a pas que les belligérants qui ne font pas la différence. Je ne voudrais pas même soulever les propos des Ministres de notre République tous aussi irresponsables ou d’une bêtise affolante les uns que les autres. Reste que nous avons un aperçu général bien médiocre du monde féminin à la barre, mais là aussi si vous étiez un peu observateurs il en est du même comportement dans bien des domaines de la vie Républicaine. Ce sera l’autre fléau de la société Républicaine car le France n’était pas ainsi avant Mitterrand et l’emprise des gauchos de tous les extrêmes mais pas que vous pouvez y rajouter la majorité des services publics et assimilés qui gonfle encore et toujours, un petit monde bien pourri qui dans tous les cas n’en aura jamais assez.

    • Je suis femme et pourtant ces féministes me font horreur avec le cortège de leurs criailleries incessantes portées par une S. Rousseau qui, plus que jamais, demeure une mégère non apprivoisée mais qui pourrait descendre plus vite qu’elle ne pense du piédestal qu’elle s’est forgée.

    • Macron à l’ONU, devant une salle au 3/4 vide (il intéresse du monde…) m’a rappelé quelque chose. Un visionnage (INRA) des actualités des années 1939/1940 n’a fait que conforté ce souvenir.

    • Les Russes ne plaisantent pas, mais Poutine n’est pas idiot, sauf si on le pousse dans ses retranchements comme tente de le faire Ursula von der Leyen.

    • C’est certain, elle a des souvenirs d’une certaine époque dans la RDA ou il était préférable de suivre la ligne tracée.

  10. Biden est un cinglè qui habite sur une île. Son pays est toujours allé faire ses guerres chez les autres. Il devrait se méfier. l’hiver arrive. Poutine pourrait l’envahir par l’Alaska, ancienne terre de Russie. Mais va savoir …

  11. « Les opinions publiques constituent, en effet, un enjeu prioritaire, notamment pour Kiev… »…c’est sûr que c’est pas trop la problématique russe.

  12. Si l’on reprend le verbatim des discours et intervention des dirigeants des différents pays, on peut constater que jamais Poutine ne prononce le mot « nucléaire » mais que ce sont toujours les occidentaux qui le font. Donc, la « menace nucléaire Russe » n’est, pour l’instant et espérons pour toujours, qu’une crainte des occidentaux mais jamais brandie comme telle par Poutine.

    • Poutine n’est pas fou, il sait très bien, Tchernobyl aidant, qu’irradier un territoire ne lui apportera rien. Par contre, avec ses missiles intercontinentaux supersoniques, une réponse aux va t en guerre ciblée et loin de chez lui est très possible.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois