L’œuvre de propagande de certains manuels scolaires

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« L’utilisation massive des ressources énergétiques polluantes – fossiles et nucléaires – […] a conduit à des changements néfastes. » Contrairement aux apparences, cette citation n’est pas extraite du communiqué d’une association antinucléaire mais d’un manuel scolaire de terminale édité par Le Livre scolaire. Une étude de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN), menée sur sept manuels scolaires de sciences et rendue publique ce 28 septembre, révèle que certains « ouvrages comportent de nombreuses erreurs sur l’énergie en général et le nucléaire en particulier ». L’enseignement scientifique de terminale n’est pas la seule discipline concernée. Loin de là. Dans la très grande majorité des disciplines, les manuels scolaires édités ces dernières années participent à une vaste œuvre de désinformation.

Nucléaire, guerre d’Algérie, écriture inclusive..

Le constat de la SFEN est clair : sept des manuels scolaires de sciences donnés aux élèves en classe de terminale comportent de graves erreurs ou prêtent à confusion. Tout d’abord, les experts soulignent le flou qui entourent certaines notions, comme le « mix énergétique » et le « mix électrique », pourtant au cœur du programme. Ces imprécisions « entretiennent l’idée d’un "tout nucléaire" », note la SFEN, ce qui est factuellement faux. L’association rappelle en effet qu’« en 2020, les énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon) représentaient de l’ordre de 60 % de notre consommation d’énergie finale ». Outre cette confusion, les experts alertent sur une dérive des manuels scolaires. « Certains contenus sont présentés comme des faits alors qu’ils auraient mérité une confrontation entre les différents points de vue », expliquent-ils. Ils en veulent pour preuve le manuel Belin qui attribue au nucléaire un impact environnemental, sanitaire, économique et social négatif sans aucune justification. Ou encore Hatier qui, dans un encart sur la transition énergétique, laisse entendre que « le GIEC recommanderait de sortir du nucléaire ». Ce qui est une nouvelle fois faux.

« Il y a les sciences, l’histoire, le français… », énumère Jean-Paul Brighelli, professeur de lettres pendant près de 45 ans, contacté par Boulevard Voltaire. Dans toutes les disciplines, les manuels scolaires diffusent le b-a.-ba du politiquement correct, faisant souvent fi de l’intérêt éducatif, voire de la réalité. Et ce, dès le plus jeune âge. Ainsi, Questionner le monde, un fascicule des Éditions Hatier à destination des élèves de CE2 publié en 2017, utilise l’écriture inclusive à plusieurs reprises. « C’est de la désinformation au sens littéral du terme, s’agace le professeur de français. Avec de tels ouvrages, les élèves ne sauront plus écrire de façon correcte. » De la même façon, au collège, de plus en plus d’ouvrages proposent aux élèves l’étude de textes contemporains, voire des paroles slam. Pour Jean-Paul Brighelli, il existe un réel « appauvrissement » des manuels scolaires : « Dans les années 1960, les Lagarde et Michard – ouvrages de référence pour les élèves en lettres – comportaient au total 2.500 pages. Aujourd’hui, les manuels scolaires parviennent à tout résoudre en quelques centaines de pages. » En histoire également, les manuels scolaires, bien qu’ils suivent les programmes de l’Éducation nationale, procèdent par eux-mêmes à un tri de l’information. L’exemple du traitement de la guerre d’Algérie est emblématique. Dans un livre d’histoire édité par Belin pour les terminales, la double page sur la décolonisation de l’Algérie mentionne le programme du FLN, la torture pratiquée par l’armée française ou encore le soutien de plus en plus massif des Algériens à l’indépendance. Jamais il n’est question des harkis ou encore de la torture pratiquée du côté algérien. Le même manuel chez Hatier souligne également l’usage de la torture par l’armée française sans aborder les méthodes tout aussi illégales du FLN. « Les manuels trient. Ils marchent sur des œufs. Au vu des réactions très violentes, ils ont peur de choquer tel ou tel segment de la population », explique l’auteur de La Fabrique du crétin.

Or, cette désinformation des manuels scolaires n’est pas sans conséquence sur l’enseignement délivré aux élèves. Si, avant, le professeur pouvait passer outre les affirmations erronées des ouvrages et apporter davantage d’explications, il n’en est plus rien aujourd’hui. « Les enseignants, parce qu’ils sont de moins en moins bien formés, n’ont plus de recul sur les manuels scolaires et leur font confiance », s’inquiète Jean-Paul Brighelli. La majorité des élèves ne disposent donc que des savoirs contenus dans ces livres scolaires. Les jeunes Français, dont le niveau baisse inexorablement, deviennent alors une proie facile pour tous les propagandistes de l’Éducation nationale.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

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