[Point de vue] Le tatouage, une marque de vulgarité à perpétuité

tatouage

On ne discute pas des goûts et des couleurs, mais c’est pourtant ce qui nous rapproche, bien plus que les opinions. Lorsque je demande aux personnes tatouées pourquoi elles se sont fait tatouer, elles répondent le plus souvent que c’est pour affirmer leur personnalité. Autrement dit, elles se singularisent en suivant une mode qui sévit depuis déjà plusieurs années. Mais quoi de plus commun et d’impersonnel que de faire allégeance à la mode ? Jadis, le tatouage était la marque de quelques galfâtres marginaux et de marins qui affichaient pour toujours les stigmates de leurs exploits. Aujourd’hui, nous sommes bien loin du bagnard Henri Charrière, surnommé « Papillon » parce que des Indiens lui avaient tatoué un spécimen de lépidoptère sur le buste. Tout le monde ou presque, hélas, veut son tatouage, à tel point qu’une émission de télévision lui est consacrée.

Par définition, une mode est éphémère. Celles de porter des pantalons à pattes d’éléphant, des mocassins à glands ou des queues de cheval pour les hommes étaient bien innocentes en comparaison de la vogue du tatouage. Car cette dernière aura des traces éternelles. Le motif étant définitif, il faudra le supporter à vie, même lorsque le temps aura fait son œuvre et que les ailes du bel oiseau fixé sur une peau juvénile ressembleront, quelques décennies plus tard, à celles d’un goéland après le passage de l’Amoco Cadiz. Lorsque les beaux jours arrivent et que les corps se dénudent, je suis toujours navré de voir des jeunes filles à la peau d’une blancheur liliale souillée à jamais par un tatouage indélébile. Sans compter que l’injection intradermique, plus ou moins douloureuse, n’est pas sans risque. Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues met en garde : selon les recherches menées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les composants des encres injectées sous la peau peuvent contenir des métaux toxiques. Curieusement, les pouvoirs publics, d’habitude si prompts à nous prévenir de toutes sortes de dangers au sujet des colorants, des pesticides, de l’amiante, du tabagisme, des particules fines (ce ne sont pas des aristocrates spirituels)... j’en passe et des meilleures, demeurent très discrets sur la question. À notre époque hygiéniste et frileuse, c’est étonnant. Nous verrons bien si les maladies de peau exploseront à l’avenir.

Personnellement rétif à la moindre piqûre, prétendument pour mon bien, je ne me vois pas souffrir pour me faire tatouer un dessin que je risque de ne plus voir en peinture après quelques années. D’autant que l’addition est salée et non remboursée par la Sécurité sociale. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un dessin de Modigliani dans son dos, comme Jean Gabin dans le film Le Tatoué, avec Louis de Funès, réalisé par Denys de La Patellière. Les sociologues expliquent que la mode du tatouage exprime le besoin de s’approprier son corps. J’aurais plutôt tendance à vouloir refiler le mien pour un plus beau… Mais je n’ai jamais trouvé qu’un tatouage, aussi artistique soit-il, embellissait le corps de son commanditaire. Comme la plupart du temps, le besoin de se singulariser de manière ostentatoire trahit plutôt un vide intérieur, et c’est ainsi que pour se démarquer, on finit par se faire tatouer pour ressembler à tout le monde, ce qui est la définition de la vulgarité.

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Charles-Henri d'Elloy
Écrivain, polémiste

Vos commentaires

66 commentaires

  1. N’oublions pas l’inoubliable tatouage bien placé qui, « déployé », exhibait le « souvenir d’une expédition à Madagascar » à un endroit révélé seulement aux …. initiées

  2. J’adore la métaphore , cette allusion au goéland mazouté . Cette mode nous met sous le nez de jolis corps , jeunes et souples «  peinturlurés «  avec plus ou moins ( souvent moins..) de talent , et cela fait des années que le tatouage est pratiqué sur les peaux jeunes et élastiques , Et pourtant on voit très très peu de femmes «  mûres » exhiber leur chef d’œuvre une fois la cinquantaine abordée . Autant sur de vieilles peaux mâles et bronzées , une tête d’aigle ou un poignard ailé ressemblera souvent à l’original memes a 60 ou 70 ans , autant certaines fresques ne ressemblent plus à rien sur une vieille fesse ridée ou un sein flasque voir décharné d’une ancienne reine de beauté qui connut son heure de gloire au début des années 90 …ces tatouages aux couleurs passées et démodés mettent même un peu plus en exergue le ravage du temps sur l’épiderme de ces enfants de «  baby-boomers « 

  3. Cela regarde les intéressés, mais il faut bien constater que le tatoué n’a plus d’âge. Du môme à la mémé aux nombreuses heures de vol, le tatouage est devenu si banal !

  4. les tatoués n’ont rien à dire, c’est pour ça qu’ils se font « peindre » pour que le corps parle à leur place, hélas c’est bien triste, surtou que pour certains, il faudrait rester des heures pour comprendre ce que leurs tatouages expriment, je crois qu’eux ne le savent pas c’est pourquoi ils comptent sur les autres pour savoir.

  5. Tout à fait d’accord ! Chacun veut faire comme tout le monde, et je me colle le dessin sur les bras, mais comme il reste de la place, et hop, un autre encore sur le mollet, et même bien visible dans le cou, débordant même sur le visage ! Si encore ces illustrations étaient transcendantes, merveilleuses, uniques et du meilleur goût ! Mais non, c’est la banalité, la médiocrité et le n’importe quoi du moment, bien souvent un choix à la dernière minute parmi les suggestions du tatoueur ! Et c’est à perpète ! Sauf que des malins, proposent déjà et à fort prix de vous les enlever ! Mais cette technique au laser, de repousser l’encre vers les zones profondes de la peau est très mauvaise pour le système ganglionnaire et bien sûr pour la peau. Vulgarité affichée ? Oui, je trouve ! Et voyez aussi les piercings, l’anneau dans la cloison nasale ou ailleurs…, Lobe de l’oreille distendu par des formes cylindriques, oreille en sapin de Noel et autres cheveux rouges, jaunes ou verts… La classe décidément !

  6. J’ai horreur des tatouages et ceux-ci rendent vulgaire la femme qui en porte. Quant aux hommes recouverts parfois de haut en bas c’est tout juste affreux.

  7. Quand j’étais adolescent, il n’y avait que les repris de justice qui se faisaient tatouer, en général sur l’avant-bras. Ou parfois sur la poitrine, un message a sa mère ou à sa belle. C’était très mal vu. Quand je vois sur la plage des oiseaux ou poissons sur des jeunes filles, je souris, car ces belles, ayant la beauté du diable, auront des déconvenues à la quarantaine, quand leurs corps seront empâtes et que le tatouage sera horrible.

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