À quelques jours, voire quelques heures, de la nomination du futur ministre de l’Intérieur, un scandale au concours interne des commissaires de police secoue une institution qui n’avait pas besoin de ça.

Les faits sont les suivants. Une écoute téléphonique mise en place par les policiers de la sûreté départementale du Nord dans le cadre d’une affaire de trafic de stupéfiants révèle que le haut fonctionnaire en charge, cette année, de la présidence du jury dudit concours a favorisé l’une des concurrentes. Et pour ne rien arranger, il apparaît que la candidate en question n’est autre qu’une commandante de police, à la fois très proche de l’inspecteur général concerné et affectée directement au cabinet du directeur général de la police nationale. La Justice est bien entendu saisie et les protagonistes actuellement suspendus de leurs fonctions.

Ces faits pourraient apparaître comme banals si, d’une part, ils ne concernaient la haute hiérarchie policière et l’entourage même de son grand patron. Et, d’autre part, s’ils ne venaient pas télescoper la mise en place d’une réforme interne visant à fondre la police judiciaire au sein de la sécurité publique.

Sur le premier point, la hiérarchie supérieure de la police nationale a toujours été contestée en interne. Trop proche du pouvoir, trop politisée, trop technocratique, déconnectée des réalités du terrain, pas assez proche de la base… Bref, les raisons d’une véritable « lutte des classes » au sein de la police ont toujours été nombreuses et persistantes. Et aucune des réformes mises en place jusqu’à ce jour en matière de recrutement et de déroulement des carrières n’a permis d’apporter une réponse satisfaisante à cette épineuse question. Car c’est en réalité d’une véritable réorganisation hiérarchique basée sur les compétences professionnelles et la valorisation des potentiels individuels qu'aurait eu besoin la police nationale. Et cette réponse n’a jamais été apportée ni même envisagée. À cet égard, l’observation du fonctionnement de la gendarmerie nationale aurait pu être un précieux enseignement.

Sur le second point, à savoir l’actuelle réforme structurelle de la police nationale qui se dessine, et dont l’organisateur principal serait impliqué dans cette tricherie au concours, il est évident qu’elle se heurte à une fronde interne importante. Notamment parce que sa pertinence est loin d’être démontrée. Ainsi, fondre un service spécialisé, la police judiciaire, au sein d’un service généraliste, la sécurité publique, n’est, à une époque où la technicité est omniprésente au cœur des enquêtes judiciaires, absolument pas gage d’efficacité accrue. Au contraire. Par ailleurs, la culture professionnelle séculaire de la police judiciaire n’a rien en commun avec une police, par essence, du quotidien dont l’objet est de répondre rapidement à des situations urgentes. In fine, un mariage des genres dont le fonctionnement global de l’institution policière ne devrait tirer aucun profit.

Les réformes dans la police nationale ont malheureusement souvent été dictées par des intérêts corporatistes ou personnels. Et parfois les deux. Elles ont la plupart du temps débouché sur des dysfonctionnements accrus qui ont fait perdre du temps et de l’efficacité à cette corporation et découragé les meilleurs de ses membres. Face aux enjeux sécuritaires qui sont ceux du pays désormais, il est au contraire urgent et indispensable de spécialiser nos forces de police et de renforcer, en la simplifiant pour mieux la rendre opérationnelle, la chaîne hiérarchique. De même, l’organisation territoriale de la police nationale doit être revue pour la rapprocher du terrain et des problématiques sécuritaires qui s’y révèlent chaque jour davantage. Ces réformes en profondeur permettront, à n’en pas douter, de redonner du sens à l’action de nos policiers. De présenter des perspectives à des agents qui, trop souvent, se sentent exclus d’un système qu’ils considèrent comme injuste. Et de moderniser véritablement la police nationale qui reste empêtrée dans un modèle dépassé, paralysant et trop fortement soumis aux réseaux d’influence.

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18 mai 2022 à 20:13

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15 commentaires

  1. Ce n’est pas rassurant.
    La création de Sections Spéciales est-elle à l’ordre du jour ?
    Les projets fous de la caste au pouvoir n’augurent rien de bon. les français vont souvent battre le pavé.

  2. PTF A la lecture de vos commentaires je pense que mot Police est mal employé dans cet article, merci de parler des hauts dignitaires de la police et de ne pas assimiler à ce groupe la foule des flics de terrain qui subissent leurs caprices car si pour eux la SOUPE EST BONNE pour nous si nous nourrissons péniblement nos familles, nous essayons de ne pas faire trop de fautes qui font rire certains et d’être toujours des GARDIENS DE LA PAIX

  3. Fondre la Police judiciaire dans la Sécurité publique est une hérésie. Ceux qui pensent cela sont des fous à part entière et prétendre vouloir moderniser la police en faisant remonter son organisation d’avant Clémenceau est une idiotie crasse. J’étais dans un service tiraillé entre la SP et la PJ, et c’était vraiment pénible à vivre. Tout cela parce qu’une réforme essentielle n’avait pas été conduite jusqu’au bout. Quelle tristesse d’avoir des responsables aussi bêtes !

  4. Tout est mis dans la Poubelle du Conformisme banalisé…
    Police judiciaire, ENA, Préfets, Diplomates, etc…
    Spécialités « inclusives » de masse ?
    Seul Macron comprend encore qq chose…
    Le Pouvoir des Dévots…

  5. j’ai proposé au commissaire d’Evry d’aider les fonctionnaires à rédiger, pas de réponse. Lors de la lecture des pv, je signe sans regarder les fôtes, horrifié. Le cri est écrit: crie. La honte!

  6. Il commence à être de notoriété publique que la police est totalement infiltrée par les « réseaux »…

  7. Ce n’est pas de « réformes » que nécessite la Police mais d’un corps d’appoint instruit par elle, formé de volontaires d' »office » et composé des élus de toutes sortes et des candidats qui ne le furent pas ! des espèces de supplétifs comme on en vit ailleurs dévoués et mouillant ses chemises!

  8. cet article nous fait découvrir que la police, qui se doit d’être irréprochable, est en fait constituée parfois d’individus fraudeurs et malhonnêtes au même titre que le monde des « élites » malfaisantes ou des manants. A qui faire confiance ?

  9. L’article mais en évidence une haute fonction publique qui s’est coupée volontairement de sa mission. Cela ressemble à la situation du pays et favorise son morcellement.
    Il se forme ou est déjà formée une « Nobilitas » qui tôt ou tard nous amènera à la guerre civile.
    Mais il en ressort surtout un motif de désaffection de toute les forces de l’ordre en charges de nous protéger.
    Le règne de la crapule commence et se concentre dans le haut de l’échelle.

  10. la police et la justice ne sont plus au service du peuple, mais de la caste au pouvoir !!

  11. Cher Patron, la maçonnerie est très puissante dans le corps des commissaires comme chez les officiers de gendarmerie. Elle influence aussi les syndicats dont Alliance. J’ai dit vénérable maître.

  12. Depuis 5 ans et encore, hélas, pour autant de temps le p’tit prince défait, déconstruit, « refonde » administrations et institutions. Autant d’actions nocives qui prélude à la dilution de la France, en temps que Nation, dans cette Europe qui n’en finit pas d’exaspérer les peuples.

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