[Point de vue] Baissez le mépris, Messieurs Macron, Perrineau et Giesbert

FOG Giesbert

La colère de la France déclassée a donné lieu à un festival de mépris. Premier prix : Emmanuel Macron. Accessit : Pascal Perrineau et Franz-Olivier Giesbert.

Merci à Jack Dion, directeur adjoint de Marianne, d’avoir mis en lumière un échange passé relativement inaperçu qui résume à lui seul le mépris dans lequel l’élite parisienne tient le Gaulois réfractaire. Nous sommes le 18 mars, deux jours après le recours au 49.3, sur le plateau de BFM. La chaîne a réuni deux vieux renards du commentaire politique. Pascal Perrineau, politologue, directeur à vie du CEVIPOF, et Franz-Olivier Giesbert : l’un et l’autre d’accord sur tout. Le premier servant la soupe du politiquement correct d’un ton docte avec l’air de gravité du rienologue balzacien (« Le Rienologue est le dieu de la Bourgeoisie actuelle ; il est à sa hauteur », Monographie de la presse parisienne, 1842). Le second, plus agité, dupe de rien, suffisamment habile pour habiller ses reniements successifs d’un vernis d’esprit, adepte des coups de gueule qui ne font trembler que la porcelaine de son buffet-vaisselle. Grand moment de télévision.

« Y a-t-il un avant et un après 49.3 », lance, en substance, la journaliste de BFM à Pascal Perrineau, dont le ramage aigrelet se rapporte au plumage inexpressif, illustre ambassadeur du genre plat ? Du haut de sa chaire et de ses préjugés, Perrineau se racle le fond de la gorge, ajuste ses lunettes translucides et lâche, dans une syntaxe approximative : « Je suis sûr qu’on ferait une interrogation écrite – c’est mon côté professeur – des manifestants, on aurait un niveau extrêmement faible de la maîtrise de l’article 49-3. » Et les deux comparses, Perrineau et Giesbert, de glousser comme Bouvard et Pécuchet ravis de découvrir qu’ils ont eu la même idée : inscrire leur nom sur leur chapeau (chez Flaubert) ou ricaner de concert (sur BFM).

La médaille d’or du mépris

Ne vous en déplaise, Messieurs, tout le monde a compris le sens du 49.3, qui sursoit à la représentation nationale, laquelle a déjà très largement écorné la volonté populaire. Tout le monde a compris que cet expédient n’est rien d’autre que l’arbitraire du prince. 90 % des actifs sont contre cette réforme des retraites, 90 % d’imbéciles donc, qui échoueraient à la dictée du professeur Perrineau. Lisez donc plutôt, Messieurs, la note de la fondation Jean-Jaurès sur l’ampleur de la mobilisation contre la réforme dans la France des sous-préfectures. Du jamais-vu. Même pas au plus fort des gilets jaunes.

C’est étonnant de voir avec quelle aisance cette caste parisienne retrouve le ton des petits marquis pour se moquer de « Jojo avec un gilet jaune » (Macron). « Googlisez » Macron assorti du mot « mépris » : plus de deux millions d’entrées ! Il n’y a sûrement que Hillary Clinton – la femme de fer au destin brisé (c’est qu’il était en acier trompé, par Bill, par Monica Lewinsky, par l’arrogance de la candidate) – qui le batte avec son « panier de déplorables ». L’historien qui s’aventurera à colliger les verbatim de notre Président dans Pif Gadget ne tombera que sur un chapelet d’inexactitudes, de pompe et de désinvolture. Dans cette anthologie du mépris, il sera bon de rappeler que Macron aura quasiment restauré le délit d’offense au chef de l’État. Car c’est à peine s’il n’envoie le GIGN pour interpeller un malheureux bout de femme qui a osé l’insulter sur les réseaux sociaux.

Les ploucs émissaires

Dans toutes les sociétés, il y a un racisme légitime. Le nôtre s’adresse au peuple central qui est traité comme François Pignon dans Le Dîner de cons. Le manifestant moyen – qui n’est jamais qu’un Français moyen –, c’est un peu Jacques Villeret dans le film de Francis Veber, un inusable sujet de blagues. Le « plouc émissaire » de Philippe Muray. « L’élitocrate a une bête noire, disait le génial inventeur d’Homo festivus : le plouc émissaire. Et quand celui-ci a le malheur de dire merde à l’élite, par exemple en votant non lors d’un référendum à propos de l’Europe, l’élite perd d’abord sa belle humeur, se montre folle de rage, puis décide qu’il faut « encore plus d’Europe », que sa propagande auprès du plouc émissaire a souffert d’un « déficit de communication. » Encore plus de pédagogie, encore plus d’ouverture, encore plus de « disruption ».

Si, pour cela, il faut sacrifier la majorité, qui a l’outrecuidance de ne pas rester silencieuse, sacrifions-la. Trahison des clercs (1927), disait Julien Benda. Révolte des élites, lui répondra, soixante-dix ans plus tard, Christopher Lasch, dans un autre registre : celui de l’abandon. Avez-vous, d’ailleurs, remarqué combien les peuples historiques souffrent d’un mal que les psy connaissent bien : le syndrome d’abandon (non par leurs parents mais par leurs élites) ?

On a même parfois le sentiment troublant d’assister au retour du darwinisme social, au préjudice des moins adaptés, au sens évolutif du terme. Cette vision commanderait-elle secrètement le choix des élites ? Dans la théorie social-darwinienne, le dépérissement des espèces qui ne présentent plus d’avantages reproductifs, autrement dit celles qui sont socialement inadaptées aux nouvelles conditions du milieu, est fatal. Ainsi le Grand Remplacement opère-t-il à tous les niveaux.

Mais, du moins, pouvons-nous dire, avec l’inestimable Courteline, le Molière de la petite bourgeoisie, que « passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est un délice de fin gourmet ». Merci à Pascal Perrineau de nous l’avoir rappelé.

François Bousquet
François Bousquet
Rédacteur en chef d’Éléments et directeur de la Nouvelle Librairie

Vos commentaires

34 commentaires

  1. D’où vient au juste ce chiffre de 90% d’actifs qui seraient opposés à la réforme. Pour avoir interrogé mon entourage constitué d’artisans de commerçants, professions libérales et salariés de tous niveaux, on serait plus près du 50-50 ; certes, d’aucuns regrettent ce qu’ils considèrent comme un « passage obligé » lié à l’espérance de vie, et au déclin démographiue des jeunes générations. Il serait intéressant de connaître avec précision la composition du pannel ayant constitué le « sondage »

  2. L’article 49-3 avait été conçu pour qu’un gouvernement disposant d’une majorité absolue au Parlement puise mettre fin à des ergotages et chipotages de ladite majorité. Soit elle votait le texte, soit elle votait une motion de censure, avec pour conséquence une dissolution du Parlement et un retour des députés devant les urnes, avec le risque de perte de mandat.
    Aujourd’hui, le gouvernement ne dispose pas de majorité et utilise le 49-3 pour faire passer un texte sans vote, en comptant sur la lâcheté des députés « contre » mais pas au point de mettre leur mandat en jeu.

  3. Elite ou establishment ? Le Peuple a aussi ses élites et manifestement ce ne sont pas celles des petits marquis de la politique et des médias. C’est une impasse que de croire au rétablissement de la démocratie sans restauration de la vertu des gouvernants.

  4. Il y a des moments où la lecture d’un article est jouissif. Un grand merci à Monsieur Bousquet qui m’a bien fait rire. Il a comme on dit communément tapé dans le mille.

  5. L’élite a trahis le peuple et ces deux personnes s’essaient à le cautionner . Le 49-3 je n’en maitrise pas le contenu ,mais je sais à quoi il peut servir . Il faut tout de même rappeler, et à chaque fois si il le faut, que celui ci est consécutif à la promulgation de la 5ème République que de Gaulle a voulu pour la France . Il l’a fait pour permettre d’accomplir le programme pour lequel le peuple élisait son président au suffrage universel. Ce n’est pas comme si personne ne le savait ! Est ce que la France aurait pu rayonner comme elle l’a fait si les projets pour la France du général de Gaulle avaient été paralysés par la guerre que les partis se faisaient dans l’hémycicle lorsque la France était sous le régime de la 4è me . Cet article 49 3 peut avoir du bon comme du mauvais tout dépend de celui qui s’en sert et ses motivations. Macron sert le mondialisme , de Gaulle servait la France et de plus, même si il se réservait la possibilité d’utiliser le 49 3 pour passer un décret en force, il se soumettait par contre et pour contre balancer ses pleins pouvoir au verdict du peuple à travers le référendum ,y compris lorsque celui ci lui a été fatal !

  6. Merci de nous rapporter ce qui se passe à BFM que je ne regarde jamais. Cela confirme les énormités diffusées par ce média tout comme à France-Inter souvent rapportées par W.Goldnadel.

  7. Perrineau sert la soupe mais elle est tiède,quant à Giesbert, ami des présidents, son dernier opus « La Belle Epoque », suite de potins et bavardages en une recension de constats amers sur le lent dépérissement de la France intitulé « Histoire Intime de la Vè République » lui a valu le prix du livre politique 2023.

  8. Face à cette démonstration amusante de l’évidence du mépris du peuple par cette frange nauséabonde que je refuse de qualifier d’élite, et bien que , Dieu m’en garde, je ne lui accorde aucune confiance, je n’ai pas compris si vous, Monsieur Bousquet, vous acceptez l’évidence arithmétique selon laquelle la réforme des retraites s’impose!

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