Pécresse, Bertrand, Barnier : ces candidats LR qui se tirent une balle dans le pied

se tirer une balle dans le pied

Entre congrès et primaire, la désignation laborieuse du candidat LR pour les présidentielles commence à ressembler à un conclave du temps des papes d’Avignon. La fumée blanche sort pour le moment essentiellement des oreilles de Christian Jacob dont le cerveau est en ébullition. Il faut dire que l’enjeu est de taille.

De Rachida Dati à Xavier Bertrand, ils le répétaient dans le parti, études d'opinion à l’appui : les Français ne veulent pas du duel Macron-Le Pen. L’arrivée en fanfare d’Éric Zemmour pourrait, in fine, exaucer leurs souhaits : les récents sondages montrent que s'il grignote un peu l’électorat LR, il taille surtout des croupières à l’électorat RN, faisant passer Marine Le Pen sous la barre des 20 %. Éric Zemmour prend d’un côté et de l’autre, mais moins d’un côté que de l’autre. « L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme » (Hugo) : dans l'hypothèse où Marine Le Pen et Éric Zemmour se phagocyteraient l'un l'autre, la qualification au second tour du candidat LR deviendrait donc possible.

Mais il ne suffira pas d’être en finale. Il faudra aussi gravir l’ultime marche du podium en raflant la somme de deux électorats que l’on pourrait appeler du petit nom de ZemmouRN.

Mais voilà, certains ont déjà douloureusement compromis le succès de l’entreprise. Xavier Bertrand, par exemple, a déclaré benoîtement, lors d’un débat des régionales face à Sébastien Chenu, qu’il préférait être du côté des communistes (foin des millions de morts) que des identitaires. Une phrase facile à retenir et à diffuser sur les réseaux sociaux, mais qui pourrait lui coûter cher. Ou la Versaillaise Valérie Pécresse qui se rend à la Fête de l’Huma (décidément, la faucille et le marteau font recette) mais snobe, au dernier moment, la Journée du conservatisme en apprenant la venue d’Éric Zemmour. Celui-ci, du reste, n’a pas manqué de la brocarder à la tribune, provoquant rires et sifflets : « Sans doute a-t-elle eu peur d’attraper un virus en étant dans la même salle que moi ! » Comme une récente sortie sur la supposée « violence » de la Manif pour tous pour justifier son virage bioéthique à 180 degrés. Gageons qu'un certain nombre de ceux qui ont jadis battu le pavé avec elle ont été agacés, et c'est un euphémisme...

 


Vient enfin Michel Barnier, qui avait pourtant bien commencé, brossant dans le sens du poil les intéressés. Le ci-devant ministre délégué aux Affaires européennes, député européen, commissaire européen, conseiller spécial européen, négociateur de l'Union européenne pour le Brexit, a fait d'un moratoire de trois à cinq ans sur l'immigration dans l’Union européenne son étendard pour sa candidature. Dans son livre La Grande Illusion : journal secret du Brexit (2016-2021), il appelle de ses vœux un retour à une « souveraineté juridique » de la France en matière d’immigration, mettant en garde contre l’inaction dans ce domaine : « Si on ne change rien, il y aura d’autres Brexit. »

Certains ont ricané, devant cette cocotte candidate à un concours de rosières, mais à tout péché miséricorde, n’est-ce pas ? Las, patatras ! Invité par Léa Salamé sur France Inter, il vient de déclarer tout à trac : « Vous aurez beaucoup de mal à trouver des points communs entre Monsieur Zemmour et moi. » Carrément. Aucune convergence ? Même pas une tout petite, minuscule, sur les flux migratoires ? Pas seulement quand Michel Barnier professait, il y a trois jours, sur France Info, qu’une « nation, c’[était] une langue, c’[était] un peuple, c’[était] des traditions dont il faut être fier, c’[était] une histoire » ?

À l'instar de Valérie Pécresse, et pour la même raison, il aurait également décliné la Journée du conservatisme. Par crainte, lui aussi, à l’issue de la petite fête, d’être testé positif, non pas au Covid-19 mais au Zemmour-22 ?

 

Parmi les Comédies et Proverbes de la Comtesse de Ségur que l’on faisait lire, jadis, aux enfants pour leur édification, il y en avait une intitulée « On ne prend pas les mouches avec du vinaigre ». D’aucuns feraient bien d'apprendre par cœur ces petit saynètes et leur morale finale, sommets d’esprit et d’intelligence, fine pointe de cette civilisation dont ils se découvrent soudainement terriblement épris.

 

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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