La Passion Van Gogh, quand peinture et animation se mêlent

passion van gogh
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 20/10/2017.

À l'occasion de l'été, BV vous propose de redécouvrir des films mis en avant lors de leur sortie au cinéma. Aujourd'hui, BV vous invite à voir ou revoir La Passion Van Gogh.

Des années, que nous attendions un tel film sur l’homme à l’oreille coupée. Qui donc n’a jamais rêvé de se plonger sur grand écran dans La Nuit étoilée du peintre ou de voir s’animer, sous ses yeux, le Champ de blé aux corbeaux ?

Avec La Passion Van Gogh, Dorota Kobiela et Hugh Welchman ont décidé de répondre à ce fantasme enfoui depuis plus d’un siècle dans l’inconscient collectif en mêlant peinture et animation comme personne ne l’avait fait auparavant. Pas moins de 62.450 plans ont ainsi été réalisés par près de 90 artistes professionnels. D’abord tourné en prises de vue réelles avec d’authentiques comédiens – britanniques, pour la plupart –, le film fut reproduit manuellement en peinture, puis animé par infographie. Un travail colossal qui s’est étalé sur huit ans.

L’histoire, très simple, est celle d’Armand Roulin – dont le père facteur fut un proche du peintre – venu à Auvers-sur-Oise remettre à Théo Van Gogh une lettre que son frère lui avait écrite peu de temps avant son suicide. L’occasion, pour Armand, d’interroger ceux qui ont côtoyé de près le défunt, de reconstituer le fil de son séjour à Auvers et de tenter de comprendre les raisons de sa mort.

Un récit assez tortueux, il est vrai, fondé sur le principe de contradiction des témoignages, qui prend hélas trop ostensiblement des allures de film policier.

La force de La Passion Van Gogh, on l’aura compris, réside donc principalement dans les moyens mis en œuvre à sa réalisation afin de correspondre au mieux au style de l’artiste.

L’impressionnisme, rappelons-le, tout comme le pointillisme popularisé au XIXe siècle, partait du principe que, depuis la photographie, la peinture figurative était dépassée, obsolète, et que la seule voie possible pour les artistes peintres était de s’affirmer dans l’abstraction et dans la subjectivité, de faire appel aux sens, aux « impressions ». La restitution du réel se limiterait donc dorénavant au sujet représenté, qu’il soit humain, social, anthropologique ou culturel. L’impressionnisme partait donc d’un constat d’échec de la peinture.

Aujourd'hui, le film de Dorota Kobiela et de Hugh Welchman rend symboliquement hommage à l'un des chefs de file du camp des « vaincus » et reconnaît humblement la supériorité créative et sensitive des peintres sur celle des photographes et cinéastes. C’est là toute l’originalité de La Passion Van Gogh, qui en fait probablement l’un des films les plus importants de sa décennie. Il dialogue à contretemps avec les impressionnistes pour leur dire que s’ils ont beau avoir perdu la bataille du figuratif, ils ont nettement remporté celle du sensible et de l’intuitif. Il s’agit là du plus grand hommage que des cinéastes puissent rendre à la peinture. Kobiela et Welchman poussent la logique jusqu'à s'effacer totalement, de par la multiplicité des artistes engagés, devant l’œuvre de Van Gogh, qui semble présent derrière chaque plan.

Finalement, les points faibles du film tiennent à ce qui le rattache encore au cinéma : une enquête quasi policière à laquelle on ne s'attendait pas et à laquelle on aurait sans doute préféré un biopic traditionnel, dans une démarche plus contemplative, onirique, résolument silencieuse ou, en tout cas, moins bavarde. Les choix musicaux, par ailleurs, sont judicieux, mais les morceaux se révèlent trop envahissants d'un bout à l'autre du récit.

Et quelle déception de constater que la France – numéro 1 mondial sur le marché de l'animation (les Américains sous-traitent régulièrement leurs films aux Français) – n’a été sollicitée à aucune étape de création de La Passion Van Gogh, laissant place à une improbable coproduction entre la Pologne et le Royaume-Uni…

Enfin, en dépit de ses points noirs, l’œuvre de Dorota Kobiela et de Hugh Welchman s’érige si haut qu'on est bien obligé d'admettre qu'il s'agit là d'une réussite, si ce n'est, tout simplement, comme nous l'avons dit, de l'un des films les plus importants de sa décennie.

5 étoiles sur 5.

https://www.youtube.com/watch?v=xt48gxynSqg

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 13:53.
Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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