Le geste avait choqué les officiels de la Fédération internationale de natation. Deux nageurs, l’Australien Mack Horton et l’Écossais Duncan Scott, avaient reçu un avertissement lors des championnats du monde 2019. Respectivement 2e du 400 mètres et 3e du 200 mètres en nage libre, et ce, derrière le controversé Sun Yang. Ils étaient redescendus du podium avant que Sun Yang n’y monte, avaient renoncé à être photographiés avec lui.

La décision du tribunal arbitral du sport, rendue publique le 28 février, a suspendu Sun Yang pour huit ans, mais n’a pas souhaité invalider les résultats acquis par le champion chinois entre le contrôle litigieux et son jugement. Mack Horton ne sera donc pas sacré champion, ni Duncan Scott vice-champion, par une décision de nature judiciaire. Mais la Fédération considérera-t-elle comme nuls et non avenus les avertissements infligés ?

L’histoire était compliquée. Sun Yang a engrangé un gigantesque palmarès : en deux olympiades, il a gagné trois titres, deux médailles d’argent et une de bronze. En six participations aux championnats du monde, ce sont onze titres, deux médailles d’argent et deux de bronze. Sun Yang avait été contrôlé positif en 2014 à la trimétazidine. Il avait écopé d’une (clémente) suspension de trois mois. En septembre 2018, il subit un contrôle inopiné, son sang est prélevé, puis il conteste les accréditations des préleveurs et détruit à coups de marteau les échantillons. La FINA a considéré qu’il y avait un vice de forme et n’a pas souhaité sanctionner le nageur. L’Agence mondiale antidopage avait fait appel de cette décision auprès du tribunal arbitral du sport, qui vient de statuer en infligeant la peine maximale : huit ans de suspension. Elle a estimé qu’il existait, pour le nageur, d’autres voies de recours que la destruction des échantillons pour, éventuellement, contester la conformité du prélèvement. Sun Yang pourrait faire appel de cette sanction auprès du tribunal fédéral suisse.

En 2016, à Rio, le champion français Camille Lacourt affichait son dégoût en disant de Sun Yang « qu’il pisse violet », et fustigeait des finales avec deux ou trois dopés. L’immense Michael Phelps regrettait, quant à lui, la médaille de Yuliya Efimova, qui avait bénéficié d’une dérogation pour pouvoir participer, suite à un contrôle positif. Le dopage révolte les sportifs propres et ils ont raison. Malheureusement pour eux, il est des fédérations plus rigoureuses, d’autres plus laxistes. Souhaitons que ce camouflet infligé à la FINA par le tribunal arbitral du sport induise une salutaire remise en cause. Pour l’équité des compétitions, pour la santé des athlètes, pour que cesse le soupçon d’hypocrisie qui pèse sur des structures avides de vendre du spectacle, fût-ce au prix de l’éthique.

Nul ne saura, sauf lui et ses proches, ce que ces échantillons brisés auraient pu révéler. Dans notre monde avide de transparence, il en va désormais de César comme de sa femme : il ne doit pas être soupçonné. Exit Sun Yang, vae victis.

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29 février 2020 à 15:26

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