Le juge administratif, saisi en référé, a rejeté, ce mardi, la requête de six associations (Juristes pour l'enfance, Pornostop, L'Enfance en partage, Innocence en danger, Face à l'inceste et Collectif féministe contre le viol), cautionnant donc le maintien de l'exposition publique au palais de Tokyo du tableau de Miriam Cahn Fuck Abstraction (qui représente une fellation imposée par un homme nu en érection à un enfant à genoux et ligoté). Maître Adeline Le Gouvello, avocat de l'association Juristes pour l'enfance, annonce que l'affaire va être immédiatement portée devant le Conseil d'État. Elle réagit au micro de Boulevard Voltaire.

Marc Eynaud. La députée Caroline Parmentier a demandé le retrait d’une œuvre de Miriam Cahn, mettant en scène un acte sexuel entre un enfant et un adulte. L’association Juristes pour l’enfance n’a pas réussi à la faire interdire. Pour quelle raison ?
Adeline Le Gouvello. Indépendamment de la polémique politique, les associations qui sont sur le terrain et qui sont confrontées au quotidien aux violences subies par les enfants se sont mobilisées. En effet, on sait très bien que l’impact de l’image est très fort, à tel point que le législateur a interdit toute représentation mettant en scène un enfant dans une situation pornographique. De ce fait, cela contrevient gravement à l’intérêt supérieur des enfants que cette œuvre puisse être accessible à tous, et en particulier à des enfants. Le juge des référés liberté n’a pas jugé bon de considérer que cette œuvre et la façon dont elle était accessible portait atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant. Sa motivation est assez contradictoire et reprend l’argumentaire de la défense du palais de Tokyo qui expose l'œuvre. Elle dit d’un côté que cette œuvre ne pose aucune difficulté car elle doit être remise dans son contexte qui serait celui de la guerre. Mais le tableau en lui-même ne traite en rien de la guerre, et les papiers qui sont remis aux enfants n’évoquent pas une lutte contre la guerre. En revanche, il est indiqué qu’à partir du moment où il y a un message de sensibilisation et qu’un mineur non accompagné ne peut pas rentrer, il n’y a pas de difficulté. Cela signifie a contrario qu’un enfant pourrait contempler une œuvre mettant en scène un enfant violé par un adulte, à partir du moment où il est accompagné d’un adulte et qu’il a vu le message de sensibilisation.
M.E. Peut-on tout exprimer au nom de l'art ?
A.L.G. Nous ne voulons pas faire interdire l’œuvre, l’artiste est libre de créer ce qu’elle veut. En revanche, c’est la diffusion d’une telle œuvre qui est encadrée non pour des raisons morales mais pour des raisons pénales. La diffusion de tout message, dessiné, filmé ou diffusé de manière littéraire, est encadrée par la loi dans certains cas. Là, c’est un cas qui correspond à celui de la loi puisqu’il met en scène un enfant qui est violé.
Le juge de première instance n’a pas dit qu’il ne s’agissait pas d’un enfant. Il ne s’agit pas de limiter la liberté de création, mais de faire correspondre les conditions légales de sa diffusion. Il n’est pas demandé l’interdiction de toute l’exposition. Nous sommes sur une œuvre bien précise qui contrevient directement aux règles légales. On ne peut pas tout dire et tout faire. La loi le prévoit et limite la liberté de création, c’est très clair dans la jurisprudence Dieudonné où un spectacle a été interdit pour des raisons de dignité humaine. C’est le rôle du juge d’intervenir dans ce cas et d’encadrer l’expression, lorsqu’il y a une atteinte à une liberté fondamentale.
M.E. Comment expliquer les motivations de cette décision ?
A.L.G. Elles sont assez obscures. Ils considèrent qu’il faut une explication de texte pour comprendre une œuvre. On serait assez bête pour ne pas comprendre qu’un enfant violé par un adulte correspond à l’idée du peintre de lutter contre la guerre. Sauf que sur le tableau, rien ne correspond à la guerre. Il faudrait donc un un texte qui l’explique. Tout autour de cette oeuvre sont exposées des représentantions d’enfants : une femme qui accouche d’un bébé, des figures d’enfants. On est vraiment dans le thème de l’enfance autour de cet immense tableau. Cela renforce d’autant plus sa violence et le fait correspondre à l’incrimination légale du code pénal.
M.E. Allez-vous porter l’affaire devant le conseil d’État ?
A.L.G. Exactement ! Les demandes seront les mêmes : soit il y a un décrochage de ce tableau qui pose une difficulté que le musée reconnaît lui-même, puisqu’il a mis en place des médiateurs et des messages de sensibilisation. Soit on prononce une interdiction de cette salle pour les moins de 18 ans, puisque même si on nous dit que cette œuvre n’est pas problématique, elle est déconseillée aux moins de 18 ans. Dans ce cas, il faut l' interdire, puisque nous savons que des publics scolaires ont pu accéder à cette œuvre, sans que les parents ne soient là.  Il y a un véritable enjeu pour les enfants.
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28 mars 2023 à 18:31

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22 commentaires

  1. On ne peut interdire à un « artiste » de créer une « oeuvre », ni apparemment, de l’exposer. Donc un seul mot d’ordre : Boycotter tout l’établissement qui l’expose, sans violence ni commentaires. On dit que l’indifférence est le plus grand des mépris. Macron nous en est l’exemple!

  2. il n’y a pas à tergiverser : ça donne la grosse nausée, la seule solution est de décrocher cette toile qui ne peut, en aucun cas, avoir le titre d' »oeuvre », mon âme d’enfant, malgré mes 74 ans, vient de se manifester depuis les méandres de mon être profond, NON, ce n’est à exposer, ni aux yeux des enfants, ni aux yeux des adultes. Seuls les malades du genre Epstein ou autres criminels sexuels et ils sont nombreux, se réjouiront d’une telle nuisance. Peut-être mes propos sont-ils violents, mais ce tableau n’est même pas d’une bonne facture, il est IRREGARDABLE dans tous ses aspects.

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