Macron l’Insomniaque

élysée

3 h 28 : c’est l’heure à laquelle Emmanuel Macron aurait promulgué la loi portant réforme des retraites, rapporte France Culture. Il aurait pu faire ça à minuit, l'heure du crime. Ça aurait pu être mal pris, on sait jamais. L’homme est insomniaque ou matinal ? Allez savoir. C’est bien connu : y a ceux qui sont du matin et ceux qui sont du soir. Pour tout plein de choses dans la vie. Macron, on ne sait pas trop. 3 h 28 : la chose était donc pressante, comme une envie irrépressible. Maintenant, la scène s'est-elle vraiment déroulée à 3 h 28 ? BFM TV, de son côté, à la rescousse du noctambule de l'Élysée, semble dire que ce n'est pas si évident que ça. Mais qu'importe, au fond ! On retiendra qu'il ne fallait pas que ça traîne.

En tout cas, à cette heure-là, sauf aux alentours des sorties de boîtes de nuit, « un grand silence règne sur la Terre », pour reprendre le poème d’un Père de l’Église. « Un grand silence et une grande solitude », ajoutait-il pour évoquer la nuit de Pâques. 3 h 28 (ou 22 h 73, qu'importe !), on imagine qu’Emmanuel Macron, effectivement, devait être bien seul, à cette heure-là. Les têtes des gardes républicains devaient dodeliner sous les ors d’une République barricadée, casquée, comme vendredi devant le Conseil constitutionnel. 3 h 28, c’est presque l’heure des « paumés du petit matin » qui « ont l’assurance des hommes dont on devine que le papa a eu de la chance », comme chantait Brel. Celle, aussi, du laitier et des éboueurs, chers à feu Giscard d’Estaing, et qui devront désormais travailler deux ans de plus… Merci patron ! 3 h 28 : c'est peut-être l'heure à laquelle le ministre de la Culture Rima Abdul-Malak faisait valdinguer ses escarpins à travers sa chambre après avoir assisté à un concert de rap. Cette journée mémorable méritait bien de terminer sur un air de teuf.

Bien sûr, lorsqu’on est à la tête d’un pays comme la France, il n’y a pas de jour, il n’y a pas de nuit. Il n’y a pas d’heure pour les braves. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 sur 365. Non stop. Richelieu, insomniaque, perclus de douleurs, gouvernait la France à la lumière de sa chandelle en caressant ses chats. Balzac composait La Comédie humaine en engloutissant café sur café. Bon, Macron n’est ni Richelieu ni Balzac, ça se saurait. Mais un peu quand même, vu de loin, non ? La preuve : sa main n’a pas tremblé, comme celle du cardinal, et depuis six ans, il nous déroule une comédie qui prend le chemin d’une tragédie humaine.

On l’avait bien dit, que ce deuxième quinquennat serait « open bar ». Dès 2021, nous le prédisions. Pour lui, pas pour les Français. On commençait à en douter, depuis quelque temps, mais nous voilà rassurés. Et l’on a encore en mémoire les propos prophétiques et quasiment hallucinés de Marisol Touraine, ancien ministre de Hollande, le jour de son investiture, le 8 mai 2022 : « Maintenant, tu as les mains libres. Tu peux faire tout ce que tu veux. » Vendredi soir, Élisabeth Borne, qui visiblement ne sert plus à grand-chose dans le dispositif, tweetait en bonne sociale-démocrate qu’elle est : « Ce soir, il n'y a ni vainqueur, ni vaincu. » Presque évangélique, la Babeth. Et patatras ! Emmanuel l’Insomniaque – car c’est ainsi qu’il pourrait avoir acquis de dure lutte son surnom pour la postérité - lui casse la baraque nuitamment.

Ne nous y trompons pas, dans cette comédie humaine, la réforme des retraites devient un épiphénomène, un prétexte, un détail de l’Histoire, comme disait l’autre. Certes, Macron peut légitimement ressentir la satisfaction du bon élève qui a tout fait comme lui ont dit de faire ses maîtres. Nous ne sommes pas dans sa tête, mais on peut imaginer que, plus encore, il a dû ressentir, au moment où le cadran de l’horloge indiquait 3 h 28, alors que la tête des gardes républicains dodelinait, ce sentiment de toute-puissance qu’au final, on ne ressent que très rarement dans une vie d'homme. Rien que pour ça, ça valait le coup, non ?

Dernière minute : Emmanuel macron s’adressera aux Français à la télévision, ce lundi soir, suite à la promulgation de la réforme des retraites. On imagine à l'heure de « Bonne nuit les petits ».

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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