"Il faut désormais retisser l'unité nationale", a déclaré, samedi soir, le Premier ministre Édouard Philippe. Ce devrait être, en principe, l'objectif de tout pouvoir. Mais l'intention est quelque peu singulière pour un gouvernement sans doute en sursis et, surtout, pour un chef de l'État qui passe son temps à diviser les Français.

Les exemples sont si nombreux qu'on risque d'en oublier. Avant même d'être élu Président, Emmanuel Macron exprimait son mépris des petites gens dans des propos qui lui échappaient ou, pire, qui étaient volontaires. En septembre 2014, il qualifiait les salariées des abattoirs de Gad d'"illettrées". Inaugurant la première ligne d'autocars interurbains, il déclarait que "les pauvres [pourraient] voyager plus facilement". Pendant sa campagne, il expliqua à des ouvriers que "le meilleur moyen de se payer un costard, c'est de travailler".

Son élection à la présidence ne le guérit pas de ce travers. Au contraire, il multiplie les attaques blessantes, révélant sa véritable nature, une sorte de « mépris de classe ». En juin 2017, il oppose les "gens qui ne sont rien" à "ceux qui réussissent". En octobre, dans un aparté avec le président de la Nouvelle-Aquitaine, il critique des salariés en grève : "Au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir des postes là-bas." Faut-il parler du "pognon de dingue" mis "dans les minimas sociaux", du "Gaulois réfractaire au changement" ? Ou de ce conseil prodigué à un jeune horticulteur à la recherche de travail : "Je traverse la rue, je vous en trouve" ?

Ce ne sont pas seulement les petites gens qu'ils méprise : il divise aussi les Français entre eux. Comme lorsqu'il qualifie, en Algérie, la colonisation de "crime contre l'humanité", jetant l'opprobre sur notre armée, les pieds-noirs et les populations indigènes prêtes à faire confiance à la France. Ou, plus récemment, quand il fustige la "lèpre populiste", soulignant sa volonté d'organiser une coalition "progressiste" contre le "camp nationaliste". Curieuse façon d'œuvrer pour l'unité nationale. Et que dire de sa façon de traiter la question migratoire, en ne prenant pas de mesures efficaces pour maîtriser l'immigration, de favoriser le multiculturalisme, voire le séparatisme, en ne préconisant pas l'assimilation ?

La révolte des gilets jaunes n'est pas seulement un soulèvement contre la vie chère et l'injustice sociale. C'est aussi le rejet d'une prétendue élite, qui feint de se soucier des plus modestes pour les abuser ou leur fait l'aumône pour les anesthésier. Les événements des dernières semaines montrent que beaucoup de Français, qu'ils aient ou non des opinions politiques, refusent ce pouvoir condescendant, imbu de sa supériorité.

S'il veut "retisser l'unité nationale", le président de la République doit rechercher l'harmonie sociale. Il devrait commencer par reconnaître ses fautes et prendre publiquement la ferme résolution de ne plus offenser le peuple français. Une telle métamorphose tiendrait du miracle. S'il était sage, Macron devrait choisir entre quitter le pouvoir – ce qu'il ne fera pas –, dissoudre l'Assemblée nationale – ce qu'il ne fera qu'en dernière extrémité – ou changer de Premier ministre pour qu'il conduise une nouvelle politique.

Toute autre solution serait perçue comme dilatoire et insidieuse. Plus Macron tardera à donner des signes incontestables de changement de cap, non seulement dans sa politique, mais aussi dans sa relation avec le peuple, plus dure sera la chute.

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09 décembre 2018 à 15:53

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