Samedi dernier, Virginie Joron, présidente du groupe RN au conseil régional Grand Est, donnait une tribune à Boulevard Voltaire pour s’insurger contre la décision de la majorité LR de rebaptiser deux lycées de Thionville qui vont être regroupés - les lycées Colbert (le ministre de Louis XIV) et Sophie-Germain (du nom d’une mathématicienne, physicienne et philosophe du XVIIIe siècle) – en lycée Rosa-Parks, la militante afro-américaine, morte en 2005.

Une mesure débattue en commission permanente. Alors même que le nom de Colbert est actuellement, si l’on peut dire, sur la sellette. Alors même que le président de la République, dans son allocution du 14 juin, venait d’annoncer que l’on ne déboulonnerait aucune statue en France. Il est vrai que débaptiser n'est pas déboulonner, pour paraphraser une maxime plus leste. Certes, la région, dans un communiqué, a déclaré que le processus qui a amené à cette décision était déconnecté de « toute contingence politique ». Déconnecté tout court, serions-nous tentés de dire. Virginie Joron, par ailleurs députée RN au Parlement européen, a donc beau jeu de dénoncer ce qu’elle appelle la « soumission » de la part d’un « parti à l’agonie ».

Mais à y regarder de plus près, cette affaire est bien plus grave qu'on ne peut l'imaginer. En effet, lorsque l'on creuse un peu, on découvre finalement tout un processus de soumission. Comment cette proposition s'est-elle retrouvée en commission permanente de la région Grand Est ? Lorsqu’on écoute la vidéo de cette réunion, on entend, justement, une élue LR expliquer très clairement ce processus*. « Je rappellerai que c’est le choix de l’établissement et de la commune de Thionville et que nous suivons ce choix démocratiquement. Ce n’est pas une proposition qui a été faite par la région mais c’est bien le choix de l’établissement, de ses élèves, du conseil d’administration et du conseil municipal de la commune de Thionville. » Cette élue précise, d'ailleurs, qu’en général, la région, in fine décisionnaire dans le choix d’un nom de lycée, suit « toujours les choix locaux ». Comme pour se dédouaner.

Précisons, tout de même, que la municipalité de Thionville n'est pas aux mains d'affreux gauchistes mais de l’UMP et des LR depuis 2014. Cette municipalité, dite de droite, n’a donc rien eu à redire à ce que l’on fasse passer à la trappe un grand serviteur de l’État, promoteur de l’indépendance économique de la France, et ce, au profit d’une personne qui n’a aucun rapport avec notre histoire nationale.

Qui plus est, débaptiser le lycée Colbert, « c’est bien le choix de l’établissement, de ses élèves... » On aimerait donc connaître comment les élèves ont été amenés à faire ce choix. Quel rôle a joué la « communauté enseignante », comme on dit aujourd’hui, dans l’orientation du choix des élèves ? Quels arguments ont été avancés pour fourguer au rancart, et dans la même charrette, une grand figure de notre Histoire et une femme du fameux siècle des Lumières ? Des associations bien-pensantes sont-elles venues faire leur marché dans les salles de cours ? Il n’y aurait rien d’étonnant à cela, quand on apprend qu’Assa Traoré « intervient » dans les lycées de la banlieue parisienne pour y conter la geste d’Adama, son frère. Aucune association pour venir défendre la mémoire de Jean-Baptiste Colbert, on imagine.

La région Grand Est a donc suivi ce choix « démocratiquement ». Ce à quoi un élu du Rassemblement national a répondu qu’« être démocrate, ce n’est pas systématiquement être béni-oui-oui ». Pas faux, à bien y réfléchir…

* à la 35e minute.

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23 juin 2020 à 17:50

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