Livre : Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers, de Philippe Josserand

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Carlos Ghosn, patron de Renault et grand développeur de l’entreprise, peut être considéré comme la « victime expiatoire » des intérêts commerciaux entre la France et le Japon, à deux doigts de provoquer un conflit diplomatique. Mais comment une personne peut-elle devenir le point d’achoppement des tensions entre deux puissances ? Alors que Carlos Ghosn était le président d’une grande entreprise française, comment expliquer que la France, par l’intermédiaire d’Emmanuel Macron, l’ait laissé tomber ? D’autres avant lui ont été les victimes des différends commerciaux, ou politiques entre deux États. Retour sur l’un des procès les plus célèbres de l’Histoire : celui de Jacques de Molay, le dernier des Templiers.

Qui n’a jamais entendu parler de la malédiction des rois maudits ? La célèbre malédiction lancée le 19 mars 1314 par Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers, contre le pape Clément V et le roi Philippe le Bel. Et pourtant, le plus légendaire des chevaliers s’avère être le plus inconnu des croisés. L’historien Philippe Josserand, dans son ouvrage Jacques de Molay, le dernier grand-maître des Templiers (Les Belles Lettres, 2019), revient sur le mythe qui l’entoure.

Objet de légende, sujet privilégié des arts et notamment au XIXe siècle, Jacques de Molay est l’une des figures les plus mythifiées du Moyen Âge, des Rois maudits de Maurice Druon à Assassin’s Creed en passant par le film Da Vinci Code. D’ailleurs, « parmi les vingt-trois grands maîtres qui se sont succédé à la tête de l’ordre du Temple entre 1220 et 1320, il est probablement le seul dont quelqu’un d’intéressé par l’Histoire garde le nom en mémoire ». Et, dès sa mort, il incarne le héros tragique par excellence. « Le personnage […] a durablement occulté l’homme. »

Philippe Josserand tente un pari qu’il réussit : déconstruire les mythes qui ont donné au dernier templier son aura pour nous faire découvrir une partie de son vrai visage : entreprise ô combien difficile du fait du manque d’archives. L’auteur mentionne néanmoins trente lettres et deux mémoires écrits par le grand-maître - au sujet de la croisade et de la possible union du Temple et de l’Hôpital.

Philippe Josserand ne s’intéresse pas exclusivement à la mémoire biaisée de Jacques de Molay. Il nous rappelle son parcours édifiant au sein de l’ordre, œuvrant sans cesse pour « l’utilité commune de la chrétienté et la commodité de notre maison ». Malgré ce qu’on a pu dire de lui, il n’était pas « hésitant » et « faible » mais un homme pieux et ambitieux pour son ordre, le soumettant à deux objectifs : « récupérer Jérusalem » et « réassurer le Temple ».

L’historien affirme avec conviction que le Temple et son grand-maître étaient innocents de ce qu’on les a accusés : « Ni hérétique, comme le pouvoir capétien a voulu le faire accroire, ni athée ou impie ainsi que des détracteurs postérieurs se sont plu à la représenter. »

Pourquoi avoir voulu abattre alors un ordre religieux, et notamment l’ordre du Temple qui, malgré ce qu’on a pu en dire, était loin d’être une institution anachronique ? Philippe Josserand démontre que les causes de la destruction du Temple sont idéologiques. Le procès de l’ordre constitue l’acmé d’un conflit entre Philippe le Bel et Clément V. Le roi de France aspirait à rogner sur le pouvoir spirituel du pape en rêvant de devenir lui-même vicaire du Christ. Il a attaqué l’ordre du Temple à défaut d’attaquer directement le pape. L’institution devient alors l’otage d’une ambition prométhéenne de Philippe le Bel. « Le procès du Temple a d’emblée dépassé l’ordre pour mettre aux prises dans une lutte alors inouïe la royauté capétienne et la papauté. » Le pape également a ignoré l’innocence de Jacques de Molay, pour des raisons politique et idéologiques. En mourant, le grand-maître en appelle au jugement de Dieu et, par là, il veut s’inscrire dans la postérité. Il faut croire que c’est réussi.

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