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Parmi les atlas de géopolitique et de relations internationales fleurissant sur les rayons des librairies et présentant des thèmes vus et revus sans pour autant apporter des informations nouvelles sur les causes profondes secouant la vie des États, L'Atlas du mondialisme, de Pierre Hillard, est une exception car il apporte des informations surprenantes et référencées, avec près de 600 notes de bas de page et 100 cartes et tableaux pour la plupart inédits. L’ensemble, loin d’être empesé et opaque, demeure d’une absolue clarté.

Cet ouvrage, subdivisé en sept chapitres de textes et sept chapitres de cartes ou tableaux, présente et explique les origines anciennes, l'évolution en cours et, surtout, les conséquences, si rien n'arrête le processus du nouvel ordre mondial. Construction européenne, régionalisation, flux financiers transnationaux, refontes territoriales en blocs administratifs sur tous les continents, en particulier aux États-Unis, rivalités internes dans le monde musulman, Chine et Russie en opposition à Washington avec un dollar en perdition, sans oublier les répercussions sur le pétrodollar, bulles financières prêtes à éclater, monnaie planétaire en préparation et édification de mesures en faveur d'une gouvernance mondiale constituent les grands thèmes structurant cet ouvrage de plus de 300 pages.

Aucune assertion ou argument qui ne soit scrupuleusement étayé par des sources aussi abondantes que méconnues, voire inédites. L’auteur, reprenant à son compte l’aphorisme de Napoléon qui considérait que "la politique d’un État est dans sa géographie", offre à voir au lecteur un large panel de cartes illustrant la force du propos, rendant l’ensemble à peu près irréfutable. "Il faut toujours dire ce que l'on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit", recommandait Charles Péguy (Notre jeunesse, 1910).

À partir de tout ce travail de fond, l'auteur en conclut que les élites oligarchiques des différentes puissances sont arrivées à la croisée des chemins dans les préparatifs concernant l'instauration d'un ordre nouveau planétaire. Or, c'est là où le bât blesse. En effet, deux types de mondialisme s'opposent : le planétarien et l'unilatéraliste. Le premier est défendu par Vladimir Poutine. S'appuyant sur un discours tenu à Valdaï en 2014, Pierre Hillard rapporte les propos du dirigeant russe appelant à un "nouvel ordre mondial" qui serait à base "juridique, politique et économique" permettant, dans le cadre d'une ONU modernisée, une répartition équitable des intérêts "de puissantes organisations régionales" régies par des règles acceptées par tout le monde. Dans cette affaire, les différentes administrations américaines jusqu'à Obama ont privilégié l'autre type de mondialisme, l'unilatéraliste ; ce dernier consistant à octroyer au monde anglo-saxon les pleins pouvoirs aux dépens de toutes les autres unions régionales. Tout en étant très prudent sur un retournement de situation, l'auteur remarque que l'administration Trump semblerait favorable à un rapprochement des thèses russes.

Les luttes au sein de l'État profond américain révèlent les antagonismes profonds entre partisans et adversaires de ces deux types de mondialisme. Ces guerres internes sont d'autant plus vives que l'idée d'une monnaie mondiale annoncée dès 1988 par la revue The Economist pour 2018, mettant à l'encan le dollar, renforce ces tensions de plus en plus violentes en faveur d'un nouvel ordre mondial reposant sur un triptyque dont la finalité est productivité, rentabilité, uniformité.

La mégamachine – pour parler comme Lewis Mumford – capitaliste a encore de beaux jours devant elle, attendu que le capitalisme doit s’entendre non pas seulement comme un paradigme économique, mais aussi et surtout comme un processus d’arraisonnement du monde, des hommes et de leurs modes de vie.

"Les temps sont mûrs", écrit Pierre Hillard en épigraphe. Ils le sont d’autant plus que les causes qui ont conduit à la bascule actuelle d’un probable réagencement du monde (au profit et au détriment de qui, nous ne le savons guère et Pierre Hillard, scientifique et non devin, se garde de toute conjecture, hasardeuse par définition) sont lointaines et embrassent "l’humanité entière".

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 15/02/2018 à 18:47.

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14 février 2018 à 10:05

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