Depuis le mois de janvier, les caisses de résonance médiatiques nous saturent d’ondes sonores convergeant vers une seule idée : on ne pourra s’en sortir que si l’on vaccine. Notre devenir et notre mode de vie sont quasiment indexés sur notre capacité à organiser la vaccination du plus grand nombre de personnes qui soit, dans le temps le plus réduit possible. Or, cette vision est dramatiquement simplificatrice.

Pour remettre la science (et non le scientisme) au centre du village, il convient d’observer les deux étapes fondamentales dans l’évaluation d’un médicament. L’étape dite transversale (durée relativement courte), avant mise sur le marché, qui évalue le produit selon des essais en trois phases. Et l’étape dite longitudinale (durée longue), après mise sur le marché : c’est la phase 4, puis, tout au long de la vie du produit, la pharmacovigilance, plus généralement la pharmaco-épidémiologie.

On mettra de côté l’effet « collectif » du vaccin sur la transmissibilité du virus, jamais mis en évidence (et d’autant plus mis à mal par les variants).

Pour ces deux étapes, il est indispensable de considérer un vaccin donné pour un patient donné selon un rapport bénéfice/risque : schématiquement, ce rapport s’exprime en trois questions.

Primo : quelle est l’espérance de vie restante d’un groupe donné de personnes candidates au vaccin ?

Secundo : quel est le gain moyen d’espérance de vie qu’occasionnerait le vaccin par l’évitement du Covid (indexé sur le risque de survenue et de mortalité) ?

Tertio : quelle est la perte moyenne d’espérance de vie qu’occasionnerait un vaccin par l’expression d’un effet secondaire, par exemple une thrombose mortelle (indexé sur le risque de mortalité engendré) ?

En laissant de côté, pour simplifier, le concept de qualité de vie.

La comparaison du deuxième et troisième terme va définir le rapport bénéfice/risque du vaccin et permettre la décision du médecin. On pressent d’emblée la complexité (nécessité de connaître l’espérance de vie restante, donc connaissance de l’âge, comorbidités ; risque Covid individualisé et types de vaccin).

Le calcul du rapport bénéfice/risque positif ou négatif de ces deux termes peut paraître froid et inhumain, c’est pourtant celui qui permet une décision individualisée et néanmoins profitable au plus grand nombre, à l’inverse d’une décision émotionnelle « collectivisée » (bien que parée des atours de la science).

Mais si le bénéfice/risque « transversal » des vaccins, établi avant leur mise sur le marché, semble « à peu près » cadré, il reste l’épreuve du temps, l’effet « longitudinal » où notamment des effets secondaires pourraient finalement apparaître. On comprend bien que c’est extraordinairement plus complexe à établir que la première étape, puisque situé dans le futur !

C’est pourtant d’autant plus important à prendre en compte que l’étape transversale d’évaluation a, pour les besoins de la cause, été réduite à moins d'un an, pour plus de trois ans habituellement, et que les techniques vaccinales sont nouvelles.

Alors, comment intégrer ce temps long dans la décision ? Très schématiquement, une personne qui a cinq ans d’espérance de vie peut risquer un éventuel effet secondaire grave à dix ans. C’est évidemment l’inverse pour une personne très jeune, qui aura intérêt à l’abstention. Ce raisonnement peut paraître cynique, il est pourtant le plus à même de préserver l’intérêt et la vie du patient.

Les bonnes âmes scientistes diront qu’il n’y a aucun risque, que tout est d’avance maîtrisé. Qu’en savent-ils ? Ont-ils une machine à voyager dans le futur ? Il est essentiel de redonner la main au médecin traitant pour peser au cas par cas la décision dans le cadre du colloque singulier avec son patient.

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30 mai 2021 à 15:32

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