Les renseignements alertent Macron sur une montée en puissance du mouvement anti-passe

manif 24 juillet 2021

A-t-il vraiment besoin d'une note des renseignements ? A-t-il pris sa décision du 12 juillet sans consulter ? Ou les conseillers du prince sont-ils aussi coupés que lui du pays profond ?

En tout cas, un mois jour pour jour après ce fameux 12 juillet, franceinfo révèle que « dans une note adressée jeudi 12 août au gouvernement, le Service central du renseignement territorial (SCRT) table sur une participation d'au moins 250.000 personnes dans toute la France, dont beaucoup de familles. Près de 200 actions sont d'ores et déjà prévues, et c'est surtout au sud de la France que les rassemblements seront les plus importants, comme à Toulon (Var), où 15.000 manifestants sont attendus. »

J'aimerais bien consulter les notes desdits services qu'Emmanuel Macron avait sur son bureau avant ce fatidique 12 juillet où il a fait basculer le pays dans... autre chose. Connaissant leur professionnalisme, je suis certain qu'ils l'avaient alors alerté sur les risques d'embrasement que ses décisions allaient entraîner. Une fois de plus (de trop), Emmanuel Macron a joué les quadras présomptueux, pensant sans doute qu'il suffirait de « dramatiser » (comme cela vient d'être révélé) en parlant de « flambée » et en montrant des courbes et des chiffres de cas et de taux d'incidence pour éviter tout mouvement populaire.

Pari perdu. Emmanuel Macron a ouvert, par son autoritarisme et son aveuglement, un second front dans un pays qui n'en avait pas besoin. Nul doute que des considérations politiciennes sur l'intérêt de la stratégie pour sa réélection dans dix mois l'aient poussé dans ce sens. Désormais, les observateurs et le pouvoir ont les yeux rivés sur deux courbes, deux flambées : non seulement l'épidémie, mais aussi la montée en puissance d'un mouvement populaire inattendu, né en plein cœur de l'été.

Et les Renseignements ne se contentent pas de prévisions à court terme pour ce samedi, où la jauge de samedi dernier, à 250.000, sera selon eux égalée. Traduction : le nombre réel des 400.000 à 500.000 manifestants de samedi dernier sera dépassé, ce samedi 14 août. Ils anticipent aussi une réelle montée en puissance du mouvement, se fondant cette fois sur une analyse qualitative des profils des manifestants : « Si la mobilisation ne faiblit pas au creux de l'été, analysent les services de renseignement, c'est parce que les nouveaux participants qui viennent grossir les rangs chaque samedi considèrent que le mouvement est pacifiste et qu'ils peuvent donc le rejoindre. Il y a peu de débordements, selon les familles qui sont de plus en plus nombreuses à se retrouver dans les cortèges. Elles y expriment une même inquiétude : celle de la rentrée scolaire et des règles sanitaires à l'école. [...] Ce sont les sujets les plus discutés dans les manifestations, selon cette note des renseignements qui ne voient pas la mobilisation s'essouffler d'ici la rentrée scolaire. »

Pas besoin d'avoir fait l'ENA ni des années de RG pour ouvrir les yeux du Président sur une réalité et des risques évidents pour qui vit réellement dans ce pays.

J'imagine aussi que les renseignements ont prévenu Emmanuel Macron que la diabolisation outrancière et systématique des manifestants n'était pas la bonne réponse et ne faisait qu'alimenter la colère ? Ce vendredi, Olivier Véran vient de fustiger à nouveau ces manifestants, leur reprochant des slogans « parfois extrêmement douteux, voire complètement crades ». Les familles venues avec leurs cartons « liberté », « égalité » ou « Macron, ton passe, on n'en veut pas » apprécieront cette nouvelle marque de considération et de délicatesse.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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