Les conversations privées haineuses bientôt sanctionnées par la Justice ?

Capture d'écran
Capture d'écran

Le mercredi 6 mars dernier, une « proposition de loi visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémite » a été votée à l’Assemblée nationale. Une proposition passée inaperçue qui pourrait pourtant avoir des conséquences importantes.

À première vue, l’intitulé de cette loi n’a rien d’alarmant, au contraire. Qui pourrait être opposé à ce que le racisme et l’antisémitisme soient punis plus durement ? Personne, évidemment. D’autant moins que Mathieu Lefèvre, le député Renaissance de la 5e circonscription du Val-de-Marne, auteur de la proposition, explique, en ouverture de séance : « Entre 2016 et 2023, les atteintes à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont augmenté de plus de 56 %. » Il rappelle que « dès le lendemain des attentats terroristes barbares du Hamas visant Israël », la France a connu une « explosion d’actes » antisémites et que cette augmentation « oblige » les députés à agir. À travers le projet qu’il a coécrit avec Caroline Yadan, députée Renaissance de la 3e circonscription de Paris, il entend « pallier des lacunes ou des insuffisances de notre droit ». Jusque-là, tout va bien…

Vers la fin du privé

Le député détaille ensuite la loi présentée dont l’article 2 encadrant le « renforcement de la répression des provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire ». C’est là que le texte adopté en première lecture dans un Hémicycle clairsemé (148 députés présents sur 577) devient discutable. En effet, comme l’explique Mathieu Bock-Côté, chroniqueur dans Face à l’info, sur CNews, ce projet de loi est problématique car il s’attaque au « domaine privé », jusqu’alors préservé en France.

Si le Sénat valide le texte, dans un futur très proche, selon la formule américaine consacrée, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous. L’essayiste québécois donne un exemple : « Vous êtes chez vous et vous organisez une fête, vous organisez un dîner et, dans cette fête ou dans ce dîner, vous tenez des propos qui peuvent choquer un invité [...], cette personne, ayant interprété vos propos, tenus chez vous, dans une rencontre privée, peut décider d’aller vous dénoncer. »

Il résume : « Sachez que chez vous, vous n’êtes plus chez vous. Chez vous, les conversations sont désormais surveillées. » Mathieu Bock-Côté est des plus inquiets, il voit dans ce projet une manière d'institutionnaliser la délation, d’abolir le privé et de mettre en place une surveillance intégrale, « la marque du totalitarisme ».

Un avis partagé par Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut pour la justice, interrogé par BV : « Entre démocratie et dictature, il y a un spectre et on se déplace petit à petit vers la dictature. C’est un petit pas vers une société totalitaire. » Le juriste va plus loin : « Le droit est un rapport de force sur lequel le pouvoir s’appuie pour maintenir sa domination. L'extrême centre a compris que pour se maintenir au pouvoir, ne recueillant plus l'adhésion des Français, il allait devoir le faire par la force. »

Vers la fin des opinions divergentes ?

Sous couvert de vouloir sanctionner les personnes qui tiendraient des discours haineux, l'exécutif s’offre la possibilité de savoir ce qui se dit dans les dîners en ville, à la machine à café ou sur les groupes de discussion des réseaux sociaux. Il prévoit également d’infliger une amende de 3.750 euros aux auteurs de propos inappropriés. Une contravention d’un montant pour le moins dissuasif pouvant avoir pour effet de plonger dans le mutisme les personnes dont les opinions ne font pas consensus.

Mathieu Bock-Côté s’en inquiète, il se demande : « Si vous tenez des propos complotistes ou qui relèvent, selon Libération, de la désinformation, en privé, est-ce que demain, pour ça aussi, on pourra vous poursuivre ? » Comment ne pas partager son angoisse ? Ce projet de loi n’a rien d'anodin, il constitue une entrave au droit au respect de la vie privée, à la liberté individuelle et, d’une certaine manière, à la liberté de penser.

Les amateurs de littérature y verront une ressemblance de plus avec un célèbre roman d’anticipation. Après le déboulonnage des statues, la réécriture des œuvres, la création d’une novlangue, à quand les télécrans et le reste ? Apparemment, c’est pour bientôt.

Vos commentaires

99 commentaires

  1. Si cette loi se concrétise , c ‘est très inquiétant ; comment pouvoir vivre dans une société de contrôle , de surveillance voire même de délation ? ils s ‘ attaquent déjà à la propriété , à présent c ‘est notre vie privée qui sera (si ce n ‘est déjà fait ) scrutée sous tous ses angles et menacée ! il faut absolument s ‘ organiser et virer cette cliques de dictateurs avant de sombrer dans un totalitarisme irréversible

  2. 1984 !
    Je rappelle que dans le Grand Est élargi aux régions limitrophes, durant le confinement, les délations à la police, à la mairie, aux gendarmes, ont battu des record de plus de 80 % des plaintes. Mon voisin est sorti plus d’une heure. Ma voisine a quitté son appartement pour boire le café avec le locataire du 3° étage…..Ma belle-sœur est allé acheter des produits qui n’étaient pas de première nécessité… François Rebsamen, à Dijon, s’en ait plaint publiquement. Alors les dénonciations vont pleuvoir si cette loi passe. Que dire d’une époque où on encense Navalny qui traite certaines populations de rats et de cafards et qui envisage la promulgation de pareille loi ?

  3. Michel Collucci (Coluche) doit faire un double salto arrière dans sa tombe: et pour ceux qui seront noirs, difformes…(c’est de mémoire, donc inexact, mais il en manque). Çà va devenir difficile pour tout le monde…

  4. Si une pareille loi prenait jour, on aurait la stupéfaction de voir un régime opter pour un climat de délation, naguère intitulé « rappelant les heures sombres de notre histoire », ce qu’il a lui-même combattu (ou prétendu le faire)!

  5. En même temps ça empêcherait tous ces jeunes racisés de déverser des horreurs sur les réseaux sociaux, et de proférer des menaces de mort comme ils ont l’habitude. Pour les gens normaux, malgré les opinions personnelles, on sait qu’on ne peut aborder tous les sujets avec n’importe qui. De plus les gens normaux évitent justement les propos haineux, de délation ou complotistes. Rappelons-nous que certains propos haineux ont déclenché des assassinats de professeurs bon français.

  6. Il ne sera plus autorisé de parler en privé de façon non autorisée par le régime. Et penser, on aura encore le droit ?

  7. J’entends dans mon entourage privé, eau cours d’un repas, quelqu’un traiter de « négros » et de « bougnoules » les occupants d’un domicile près de chez lui. Bien que ce propos m’insupporte par son outrance, je me vois mal me poser en justicier, et encore moins me faire le complice d’un régime totalitaire.

  8. Bref, on en vient à ce qui existait dans le bloc soviétique où on ne pouvait discuter qu’entre gens de confiance et à l’air libre, puisque les appartements étaient remplis de micros.
    Il faudra aussi en revenir aux petits papiers échangés pour éviter lettres, mails et réseaux sociaux surveillés.
    Voir ou revoir le film « La vie des autres » qui, pour ceux qui ont connu cette surveillance, décrit une réalité.

    • Voir au dessus ma propre intervention. Nous en venons donc à rejoindre ces deux systèmes abominables que sont ces régimes totalitaires

  9. Si je comprends bien ce « saint homme », nos prétoires et nos prisons vont bientôt se remplir instantanément de tous les migrants et/ou immigrés qui se permettront de critiquer, injurier et agresser un homme, une femme ou un enfant blancs. Merci, monsieur, grace à vous, on va enfin pouvoir sortir tranquilles le soir dans les rues ou dans les prés.

    • J’aime votre humour ! Pourvu que la justice vous suive et juge d’une manière égalitaire ceux dont vous parlez et les autres… mais selon le constat de ce jour, ce n’est pas évident.

  10. Hayer a déclaré que le RN c’était Pétain…..Ici, on remonte à l’Inquisition. Car un « propos » laisse au juge la part d’appréciation…..Sachant que l’Ecole de la Magistrature a été dirigée par une magistrate condamnée pour insultes publiques (affaire du mur des Cons qui épinglait des Pères de victimes et de politiques ou journalistes de droite) on est mal…..

    • En poussant à l’extrême, on pourra aussi dénoncer les délateurs, en cas de dénonciation calomnieuse: cela nous promet des lendemains enchanteurs, en dépit du problème de l’engorgement judiciaire face aux délits actuels quotidiens!

  11. Quelle bonne nouvelle pour ceux qui détestent leur belle mère ! Hayer Prétendait qu’avaec le RN on revenait sous Pétain, avec LREM, on revient à l’Inquisition, puisque le « racisme » sera à l’appréciatiion du juge, et ceux ci étant souvent, trop souvent de gauche….être souverainiste suffira pour être « étiqueté ainsi….

  12. 148 députés sur 577, c’est de la démocratie ou de la macronie ? Voilà qui ressemble étrangement à certains courants qui sont nés dans les années trente, à l’est de la France.

  13. À titre de précaution, dorénavant je ne parlerai qu’à moi-même et à voix basse. Mon ouïe défaillante m’empêchera d’entendre les vilaines choses que j’aurai pu proférer.

  14. Voilà la CHARIA à la française. Mais même avec çà, je m’interdit toutes censures ou retenues lorsque j’aurai envie de donner mon point de vue à haute voix.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Revivez le Grand oral des candidats de droite

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois