Le Trocadéro : champ de bataille de la droite ?

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« Zemmour, ce n’est pas notre Trocadéro. » Il l’ont écrit dans une tribune publiée dans Le Figaro, quelques heures après la fin du meeting d’Éric Zemmour. « Nous étions au Trocadéro en 2012 autour de Nicolas Sarkozy, puis en 2017 autour de François Fillon. Nous sommes résolument de droite, une droite courageuse et fière, fière de ses valeurs et de ses traditions. » Parmi les signataires figurent, entre autres, Christian Jacob, le patron du parti, mais aussi Annie Genevard ou encore Philippe Gosselin.

« Pas leur Trocadéro ». L’expression est intéressante : il y aurait donc plusieurs Trocadéro ? C’est une tradition à droite, on vient y chercher le soutien des grands hommes magnifiés par cette place. On vient tourner le dos à la tour Eiffel pour y gagner un idéal de grandeur. C’est sur cette place que François Fillon a failli renverser le cour de la campagne, puisant sous la pluie battante une énergie qui l’a amené aux portes du second tour. Trop peu ? En tout cas, trop tard. C’est sur cette même place que le Président sortant Nicolas Sarkozy avait essayé d’éviter la défaite face à François Hollande.

Dans tous les cas, à en croire les signataires de cette tribune, il y aurait deux droites. Deux camps. Deux chemins. Sur ce dernier point, c’est ce que semble penser Bruno Retailleau. Le patron du groupe LR au Sénat a réagi sur Twitter : « J’étais au Trocadéro, il y a cinq ans. La grande différence, c’est que François Fillon pouvait être élu président de la République. Éric Zemmour, lui, ne peut pas gagner cette élection. La seule capable de ramener l’ordre en France, dans la rue et dans les comptes, c’est Valérie Pécresse. ». La nuance peut paraître subtile mais elle est réelle. À l'inverse de ses collègues, Retailleau ne condamne pas cette droite, il acte envers Zemmour une divergence stratégique et non idéologique. Comme si, au fond, les ponts idéologiques n'étaient pas coupés entre Éric Zemmour et les LR.

C'est fin, c'est très fin, mais c'est trop fin. Bruno Retailleau oublie que les sondages ne favorisent pas Valérie Pécresse au détriment d'Éric Zemmour. Las. Le Vendéen, qui fut pendant longtemps le lieutenant de Philippe de Villiers, semble faire peu de cas de la position intenable de sa candidate. « Pécresse est prise en tenaille par Macron et Zemmour. Le fait d'avoir été hué pendant le grand débat des Valeurs lui a fait comprendre qu'elle était en train de perdre une partie des fillonistes », s'alarme un cadre local des LR. Covidée, la candidate est pour l'heure en retrait, mais force est de constater qu'elle a abandonné le Trocadéro à cette droite qui n'est pas celle de son camp. Cela n'a pas empêché Éric Zemmour d'appeler Éric Ciotti, Laurent Wauquiez et François-Xavier Bellamy à le rejoindre. Comme pour lui rappeler qu'une partie de son camp ne saurait l'extirper de son ADN politique. C'est d'ailleurs la position de Sébastien Meurant. Le sénateur du Val-d'Oise, ex-LR et actuel soutien d'Éric Zemmour, n'en démord pas : « Étant présent aux Trocadéro de Nicolas Sarkozy et François Fillon, je peux témoigner d'une continuité », assure l'élu, qui s'interroge : « Qu'a dit Éric Zemmour, hier, au Trocadéro, sinon ce qui figurait déjà dans le programme du RPR-UDF de 1990 signé par Jacques Chirac, Giscard d'Estaing, Bayrou, Sarkozy, Juppé ou encore Madelin ? »

À vrai dire, on ne comprend que trop bien. Zemmour est leur mauvaise conscience. Qu'elle était commode, l'époque où la droite pouvait nier un héritage lorsque celui-ci était revendiqué par l'ennemi Le Pen. Aujourd'hui, c'est l'un des leurs « qui sera toujours chez lui chez LR », pour reprendre les termes de Laurent Wauquiez lorsque celui-ci était président des LR, qui s'arroge cet héritage. La ligne est donc aujourd'hui intenable pour Valérie Pécresse. On ne sait pas si le Trocadéro d'Éric Zemmour conjurera le sort et l'emmènera au second tour. En revanche, on commence à se demander si ce Trocadéro n'est pas celui de la défaite annoncée de Valérie Pécresse.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Personne ne note que cet espace de fontaines, vide en direction de la Tour Eiffel, était naguère l’emplacement des locaux de l’OTAN. Tout un symbole.

  2. Rassemblement mémorable qui a dépassé Sarko ou Fillon. A peine croyable pour un homme que peu connaissait il y a moins d’un an. Chapeau

  3. Zemmour ne sera probablement pas au second tour et s’il l’était ne sera probablement pas élu. Mais il ne faut pas oublier le 3° tour que sont les législatives de juin, qui ne donneront en aucun cas la majorité à Macron et qui devra composer avec l’opposition. Je prédis un effondrement de LREM et une remontée spectaculaire en nombre de députés de RN et Reconquête qui pourront alors appliquer leur programme devant l’absence totale de celui de macron…

  4. Vous devez savoir qu’il est un « Trocadero », sans accent, qui est un endroit proche d’un Trafalgar de petite mémoire pour la France et qui, en banlieue de Cadix, a vu naître une candidate de grand nom…..le mien!
    Elles sont, dames Pécresse et Hidalgo…les vestiges des deux « partis de gouvernement », belle trouvaille hautement démocratique, dont on ne remerciera jamais assez M. Macron de nous en avoir débarrassés!

  5. Je me demande vraiment si les covid de Valérie Pécresse n’est pas feint !!
    Quant à Bruno Retailleau, il m’a profondément déçu, lui que je prenais pour être vraiment de droite ..

    • Que ce soit Retailleau, Jacob ou Abad, tous les trois nous ont déçu profondément et ne représentent plus que l’aile droite de LREM en voie heureusement de disparition définitive !

    • LR représente quelle droite ? La droite du politiquement correct, qui se couche devant la gauche depuis des décennies par lâcheté et clientélisme. La droite de Zemmour a la France au coeur, c’est la droite patriote, la vraie !

  6. « Qu’elle était commode, l’époque où la droite pouvait nier un héritage lorsque celui-ci était revendiqué par l’ennemi Le Pen »: voilà , c’est tout à fait ça ! Mais « quelqu’un est venu » qui a bouleversé la routine , pour paraphraser Alain Fournier….

  7. Les LR ont choisi une candidate qui ne fait pas le poids pour perdre au premier tour et appeler à voter Macron ,s’il y est, pour bénéficier de postes de ministres. Stratégie du long terme. C’était sans compter le tsunami Zemmour avec Reconquête, parti du peuple français qui rejette tous ces professionnels de la politique qui ont détérioré les valeurs de la France. Même si Macron est hélas réélu ce parti d’opposition va grandir et s’imposer.

    • Il s’agit de l’opposition entre un système qui gouverne contre les peuples et la possibilité pour ces derniers de choisir leur destin.
      Ce que je crains, c’est que Zemmour, une fois élu, ne puisse appliquer son programme car il sera (forcément) redevable à ceux qui l’ont aidé (une campagne, ça coûte cher) et contraint par le pouvoir supranational qui a subverti la France.

      • C’est pour cela que s’il parvient à nous représenter (nous le peuple de France) nous devrons l’aider , sans faille et sans faiblesse car son chemin sera semé d’embuches, de chausse-trappes, et de malfaisances des perdants.

  8. Merci beaucoup Marc Eynaud.

    Effectivement les arguments des LR ne font que cacher, de plus en plus mal, le fait qu’ils ne se préoccupe que de leur boutique, il ne veulent pas travailer. Car c’est bien la peur du travail politique qui les détourne d’Éric Zemmour: sa prétendue brutalité n’est que promesse de fermeté, d’action, de résistance à la bienpensance, condition sine qua non pour mettre en oeuvre le programme du RPR du début des 90s; la promesse d’un quinquennat utile, donc harassant.

  9. La grande question est de savoir si on peut unir la droite européiste avec la droite nationale. Ou s’il vaut mieux unir les nationaux de droite et de gauche…Réponse entre les 2 tours

    • La droite européiste n’est pas très différente de la gauche européiste: dans les deux cas, ce n’est pas nous qui choisissons notre destin. Le vrai clivage n’est pas gauche-droite comme on l’a cru longtemps. C’était une opposition artificielle qui destiné à mettre toujours les mêmes idées au pouvoir

  10. Les LR sont jaloux du succès de ce meeting ! selon certains qui étaient déjà au Trocadéro pour Fillon, il y avait plus de monde pour Zemmour. Moi, j’ai vu des Français de tous milieux, notamment des BCBG ce que je n’ai jamais vu dans les meetings de MLP auxquels j’ai assisté plusieurs fois ! oui, c’est bien des gens de tous milieux qui étaient là !

    • Ils ont eu cinq ans pour se préparer à faire une campagne; qu’ont-ils donc bien fait pendant ce temps, à part se chicaner?

  11. La défaite de Pecresse comme celle de Macron c’est pareil pour la France (et non contre elle) alors espérons ces deux défaites….

  12. la chute de Pécresse : inévitable. Aucune conviction dans ses propos, rien ne vient de ses tripes !! elle se bat pour ses propres intérêts financiers et ceux de son conjoint.
    En tant que femme, je ne m’identifie aucunement à cette personne. Aucun naturel !
    Elle n’a pas la carrure d’une présidente, vite oublions-là !

  13. Peu importe le lieu .Zemmour a attiré une foule immense , son discours s’est adressé à toutes les catégories , son programme fait rêver .Il suffit de voter pour lui , en masse , dès le premier tour pour sauver ce pays .

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